Oléagineux, Corps gras, Lipides (Nov 2001)

Les ajustements dans l’économie de plantation villageoise de palmier à huile face à la privatisation de la filière en Côte d’Ivoire

  • Akindes Francis,
  • Kouame Yao Séverin

DOI
https://doi.org/10.1051/ocl.2001.0636
Journal volume & issue
Vol. 8, no. 6
pp. 636 – 640

Abstract

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Les techniques nouvelles diffusées par la Sodepalm ont bouleversé les pratiques culturales dans le milieu paysan ivoirien. Ces techniques qui ont accompagné l’introduction de la monoculture intensive du palmier à huile ont influencé les comportements à au moins deux niveaux : le premier est celui de la vulgarisation d’un matériel végétal hautement performant, en lieu et place de la variété dura, traditionnellement exploitée en quasi-cueillette par les populations du Sud forestier ; le second niveau tient dans l’insertion des planteurs villageois de palmiers dans un système « contractuel » au sein duquel la structure d’encadrement offre sa connaissance technique, ses moyens de production et sa monnaie [1]. En retour, il appartient au planteur de faire montre de sa volonté de travail, de son acceptation des nouveaux itinéraires techniques, principalement orientés vers la maximisation du rendement à l’hectare des arbres et, au final, de mettre ses produits à la disposition des usines de l’Ensemble agro-industriel (EAI) dont il dépend. Pendant presque trois décennies, la gestion intégrée de la filière dévolue à la Palmindustrie1 dans un contexte socio-économique stable a permis une planification et un suivi plus ou moins effectifs de ces activités de production et de transformation des régimes villageois. Mais, à partir de 1986, des difficultés liées à la chute des cours internationaux ont profondément affecté cette organisation de la filière. Elles ont entraîné une progressive déstabilisation des modes de gestion et induit des changements institutionnels et organisationnels majeurs [2]. Les projets d’extension et de renouvellement du verger ont été compromis du fait de l’arrêt des grands programmes incitatifs, de l’allégement du dispositif d’encadrement et de la disparition des subventions aux intrants. En 1995, les planteurs ont été conviés à s’auto-approvisionner en semences sélectionnées, directement à la station de recherche du CNRA sur les huiles et oléagineux installée à la Mé dans la région d’Abidjan, en dehors de tout système de financement à crédit intra-filière [3]. À partir de 1996/1997, la société d’État « Palmindustrie » est privatisée et rachetée par trois sociétés privées2. Ce désengagement de l’État s’est accompagné du transfert aux « repreneurs » (sociétés privées)3 de certaines fonctions comme la collecte, l’encadrement des planteurs et leur approvisionnement en intrants. Beaucoup moins contractuellement liés aux planteurs que du temps de la Palmindustrie, ces repreneurs ont réduit leur assistance technique. Ils ne sont plus effectivement tenus de leur assurer le crédit à court terme (engrais, petit outillage). Ce contexte particulièrement contraignant pour les producteurs développe chez eux des stratégies variées qui sortent des schémas classiques de la production intensive, lesquelles stratégies sont accentuées par les contraintes de la nouvelle donne liée à la privatisation de la filière. L’objet de cet article est de caractériser un ensemble de pratiques émergentes, identifiées chez les planteurs villageois, ou encore des pratiques plus frustres d’un passé récent, mais qui ont tendance à se renforcer, en réponse aux contraintes d’adaptation à la nouvelle économie politique de la filière palmier à huile. Dans un premier temps, nous analyserons les changements observables dans les stratégies de production et de commercialisation des régimes du palmier à huile. Ensuite, nous aborderons la relation entre ces modifications perceptibles et les changements à l’œuvre dans la fabrication artisanale de l’huile de palme, lesquels doivent être lus comme étant une forme alternative de valorisation de la production de régimes dans les parcelles villageoises.