Interfaces Numériques (May 2018)
Le No Interface et la surveillance liquide
Abstract
Dans son dernier livre, Golden Krishna constate que la multiplication et le recours sans cesse plus important aux écrans ont des effets néfastes pour les utilisateurs. L’auteur en appelle à imaginer des expériences sans écran, le No Interface. Ce livre, qui s’adresse d’abord avant tout aux experts dans le domaine du design, nous intéresse tout particulièrement en ce qu’il est symptomatique d’une tendance qui vise à diminuer les interactions avec les écrans au profit d’une plus grande automatisation et interopérabilité entre les objets connectés. Il s’agira dans cet article de saisir les dynamiques sous-jacentes liées à cette volonté de dissimulation des écrans. L’utilisation à outrance des gadgets technologiques, accompagnés par de nombreux capteurs, participe à une logique de surveillance. Nous étudierons cette tendance en nous appuyant sur l’idée de David Lyon et de Zygmunt Bauman d’une surveillance « liquide ». Ces analyses nous permettront de circonscrire la dynamique du No Interface dans un contexte de société consumériste qui encourage les individus à participer et à se soumettre d’euxmêmes aux différentes formes de surveillance en utilisant les différents objets et services connectés. Un autre argument au cœur du No Interface repose sur l’apparente simplicité et fluidité d’utilisation de ces dispositifs, puisque de nombreuses opérations sont prises en charge par la machine, et sur le gain de temps qui en découle. Nous montrerons que l’automatisation permise par le No Interface entraîne la création de nouvelles pratiques qui renforcent la surveillance tout en participant à la logique de la valorisation marchande.
Keywords