Lien Social et Politiques (Jan 2022)
« C’est l’État qui nous a tués ! » : Ebola en Guinée : la mémoire d’une histoire politique violente
Abstract
À la suite du décès par Ebola d’un parent, une famille accuse l’État guinéen d’être responsable de sa mort. Qu’est-ce qui a conduit à porter une telle accusation? À partir d’une enquête ethnographique en République de Guinée, cet article montre de quelle manière l’histoire politique guinéenne a influencé le déroulement de l’épidémie d’Ebola de 2014 à 2016 dans les pays du fleuve Mano. Pour comprendre comment les crises politiques du passé façonnent le rapport des Guinéens à la crise sanitaire provoquée par Ebola, je procéderai en trois temps. D’abord, je reviendrai sur les violences d’État qui ont jalonné l’histoire politique de la Guinée depuis son indépendance en 1958. Une des conséquences de ces violences se manifeste par un manque de confiance systémique vis-à-vis des élites et des actions gouvernementales. Puis, je montrerai comment les camps d’internement militaires de Sékou Touré réactivent un rapport à l’enfermement induisant des rumeurs et des comportements de peur face aux Centres de traitement d’Ebola (CTE). Enfin, pour me déprendre des approches fondées sur les « réticences » de la population guinéenne aux dispositifs sanitaires de lutte contre l’épidémie, j’analyserai des formes de résistance s’inscrivant plus largement dans l’histoire des contestations politiques en Guinée.
Keywords