Les Ateliers de l’Ethique (Apr 2012)
Le service sexuel comme « service artistique » : la dissolution du sexe pour une éthique minimale du travail du sexe
Abstract
Comment en arrive-t-on à proposer comme oeuvre d’art une relation sexuelle tarifée avec un collectionneur ? En 2003, l’artiste en art conceptuel et performeuse américaine, Andrea Fraser, commettra l’impensable de « coucher » avec un collectionneur afin de critiquer le milieu et surtout le marché de l’art contemporain. L’article qui suit propose une analyse thématique de l’aspect sexuel et éthique de cette oeuvre intitulée Untitled. Il sera d’abord question des significations possibles de cette performance et ses questionnements artistiques plus autoréférentiels. Je compte ensuite aborder plus précisément la position trouble de la subjectivité de l’artiste qui oscille entre une posture d’objet sexuel et d’artiste. De même, le texte fera état de la position novatrice que l’oeuvre présente sur les enjeux éthiques du travail du sexe en déconstruisant les arguments paternalistes généralement invoqués pour criminaliser le travail du sexe. Et finalement, j’aborderai la question de savoir comment la nature sexuelle de l’oeuvre vient désacraliser à la fois l’art et la sexualité, et par le fait même critiquer l’idée que la sexualité soit le siège de la subjectivité. En désacralisant ainsi la sexualité, je postule qu’Untitled offre la possibilité de concevoir le travail du sexe de manière plus neutre.How can a sexual act in exchange of money with an art collector be offered as a work of art? In 2003, performer and conceptual artist Andrea Fraser committed the unthinkable of sleeping with an art collector in order to critique the contemporary art milieu and market. The following article proposes a thematic analysis of sexual and ethical components of this work of art entitled Untitled. I will first discuss possible meanings of such a performance and its artistic considerations. I will then address more precisely the troubled position of the artist’s subjectivity, which vacillates between a sexual object and an artist. Moreover, the article will highlight the innovative position presented by this work of art on ethical issues regarding sex work by deconstructing paternalistic claims generally used to support the criminalization of sex work. Finally, I will discuss how the sexual nature of this work of art comes to desecrate art, along with sexuality, thereby criticizing the idea that sexuality is the main site of subjectivity. Through this desecration of sexuality, I argue that Untitled offers the possibility to apprehend sex work in a more neutral way.