Textes & Contextes (Jun 2023)
L’ambivalence des komori uta, berceuses japonaises : évolution d’un répertoire
Abstract
Le répertoire actuel de la chanson enfantine au Japon s’est constitué entre les années 1880 et 1920, période durant laquelle se sont développés l’un après l’autre une éducation musicale obligatoire, qui introduisit la pratique vocale et les chants scolaires dans les écoles, et un mouvement poétique et littéraire qui mena à la constitution de chants dits artistiques à destination des enfants. Mais les comptines populaires issues du patrimoine culturel enfantin de transmission orale, qui avaient précédé l’apparition de ces deux types de chants sur l’archipel, représentent aussi une part significative de ce répertoire. Les berceuses japonaises, les komori uta, sont un cas particulier de chansons de l’enfance qu’il est difficile de classer de manière absolue dans l’une ou l’autre des catégories qui composent ce répertoire. Parfois chants d’endormissement, parfois chants de labeur, elles furent tour à tour récupérées par la chanson populaire et la musique classique, selon des processus compositionnels qui estompèrent peu à peu l’origine de leur création : les gardes d’enfants. Envoyées loin de chez elles, ces jeunes filles qui pouvaient avoir à peine huit ou neuf ans passaient leurs journées à prendre soin des bébés de la famille pour qui elles travaillaient. Cet article s’attachera à présenter l’évolution particulière des komori uta au début du xxe siècle, une évolution qui révèle plusieurs des changements majeurs que connut la société japonaise à l’époque.