Oil & Gas Science and Technology (Nov 2006)

Petrographical and Geochemical Study of a Kimmeridgian Organic Sequence (Yorkshire Area, Uk) Étude pétrographique et géochimique d'une séquence organique du Kimmeridgien (région du Yorkshire, Angleterre)

  • Belin S.,
  • Brosse E.

DOI
https://doi.org/10.2516/ogst:1992046
Journal volume & issue
Vol. 47, no. 6
pp. 711 – 725

Abstract

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A metric organic sequence from the Kimmeridge Clay Formation of Yorkshire (UK) has been extensively studied with petrographical and geochemical techniques in the aim to define more precisely depositional and preservational conditions of the organic matter. The organic content is ranging from 3 to 9%. As a petrographical tool, the use of scanning electron microscopy with backscattered electron mode is emphasized, because it provides an image of all the constituents of the sediment. The sediment displays a very thin lamination, consists of clays, coccoliths (dispersed or as fecal pellets) and algal organic matter. The presence of organic matter brings about diagenesis and induces carbonate dissolution, pyrite precipitation and silicification. The depositional environment was probably quiet with a fluctuating intensity of anoxia of the sea floor. The beginning of the sequence is characterized by higher sedimentation rate and primary productivity. La formation de Kimmeridge Clay, sédiment argileux comprenant des bancs carbonatés et des niveaux enrichis en matière organique, représente l'équivalent latéral des roches mères du pétrole de mer du Nord (Douglas et Williams, 1981 ; Ebukanson et Kinghorn, 1985; Williams, 1986). Les transgressions marines de la fin du Jurassique créent des petits bassins épicontinentaux séparés les uns des autres par des hauts-fonds et dont la colonne d'eau est stratifiée, ayant à la base un niveau stagnant et anoxique (Oschmann, 1988). Les échantillons étudiés proviennent d'un forage réalisé en 1987, dans le bassin de Cleveland (Yorkshire), par l'Institut Français du Pétrole. Une étude géochimique antérieure a mis en évidence des cyclicités de la teneur en carbone organique (Herbin et al. , 1991). Environ 200 cycles ont été identifiés et calés par rapport aux zones d'ammonites. Un cycle métrique a été choisi dans la zone à Eudoxus et échantillonné tous les 10cm, dans le but de mieux comprendre les variations de nature et de teneur des divers constituants du sédiment, organiques et minéraux. Plusieurs approches analytiques ont été pratiquées à partir des mêmes échantillons : la pétrographie minérale et organique, la minéralogie, la géochimie organique. La microscopie électronique à balayage (MEB) en mode électrons rétrodiffusés (ER) a été privilégiée parce qu'elle constitue une méthode de choix pour l'investigation, à l'échelle du micron, de la texture organo-minérale (Krinsley et Manley, 1989; White et al. , 1984 ; Belin, 1992). Tout au long de la séquence, la composition minéralogique présente des variations limitées (fig. 1). Les constituants majeurs du sédiment sont : les argiles, la calcite, le quartz, la matière organique et la pyrite. Le cortège argileux, pratiquement invariant, se compose de kaolinite, d'illite et d'interstratifiés illite-smectite. La kaolinite est principalement détritique, alors que l'illite et les interstratifiés sont diagénétiques (Herbin et al. , 1991). La phase carbonatée est constituée essentiellement d'une population monospécifique de coccolithes (Gallois, 1976) et de débris de foraminifères. La phase siliceuse, dont la teneur est invariante dans tout le cycle, est composée de quartz détritique, dont les grains sont de petite taille (< 20 µm), et de quartz diagénétique : auréoles de néoformation autour de certains quartz détritiques, grandes plages automorphes de quartz (100 µm), épigénies de coquilles de calcite en quartz et sphérolites de calcédonite. La pyrite, diagénétique, se présente soit sous la forme de framboïdes, isolés ou en grappes, d'environ 10µm de diamètre, associés à la matière organique, soit en cristaux euhédraux. Sa quantité décroit du début à la fin du cycle considéré et elle est d'autant plus abondante qu'il y a plus de matière organique dans le sédiment. Le carbone organique total (COT) mesuré par pyrolyse Rock-Eval présente des valeurs plus élevées au début du cycle qu'à la fin (fig. 1). Les valeurs de COT sont comprises entre 3 et 9%. Les valeurs de l'index d'hydrogène, variant de 455 à 645, sont d'autant plus élevées que le COT est important. Les échantillons étudiés sont immatures. La séquence examinée peut être séparée en deux parties. Dans la moitié inférieure, de 177,80 à 177,20 m, la calcite augmente puis diminue; le carbone organique varie dans le même sens. Au contraire, dans la moitié supérieure, l'augmentation de la calcite s'accompagne d'une diminution du carbone organique. La limite entre les deux parties coïncide avec une teneur localement élevée de carbone organique et un minimum de la teneur en calcite. La matière organique totale est constituée de près de 80% de matière amorphe (pl. 1A). La matière figurée consiste surtout en matière organique d'origine continentale (fig. 2). Les lames minces (pl. 1B) montrent de longs débris ligneux pris dans la stratification, des sporomorphes, ainsi que deux populations d'algues, qui se différencient par leur morphologie et par leur teinte de fluorescence (pl. 1C) et dont la coexistence est subordonnée aux plus fortes valeurs de COT. La taille des algues diminue dans les échantillons faiblement organiques. L'analyse élémentaire des kérogènes place ceux-ci dans la lignée de Type Il du diagramme de Van Krevelen, c'est-à-dire celle de la matière organique marine (Tissot et Welte, 1984). Au moment du dépôt, une fraction organique qui représentait alors environ 10% de leur masse (Pryor, 1975) était sans doute associée aux amas de coccolithes. Ces amas, qui ont une forme lenticulaire de 25 à 100 µm de long (pl. 1C, pl. 2A), sont interprétés comme des pelotes fécales fossiles (Honjo, 1976). Il existe quelques différences d'organisation, à l'échelle de la dizaine de microns, entre les échantillons les plus riches en matière organique et le reste du sédiment (pl. 1 B) ; dans le premier cas, la lamination, bien marquée, est ondulée ou lenticulaire ; dans le second, elle est plus ténue. Le MEB en mode ER fournit une image complète du sédiment et permet la distinction entre argile et matière organique. Dans la zone où les fortes valeurs de calcite coïncident avec les fortes valeurs de COT, les coccolithes se rencontrent sous la forme de pelotes fécales (pl. 2A). Par contre, dans la moitié supérieure du cycle, ils sont dispersés dans la matrice argileuse (pl. 2B). La MO des échantillons à faible COT (< 4%) est constituée pour sa plus grande partie de corps algaires fins et allongés et d'éléments aux formes irrégulières et anguleuses vraisemblablement terrigènes (pl. 2B). Dans les échantillons à plus forts COT (4 à 8%), la proportion de particules à contours anguleux diminue et la matière organique se présente soit en éléments longs de plus de 30 µm et fins, soit en éléments également allongés, mais beaucoup plus épais (pl. 2C). La matière organique tend à se répartir en lamines d'autant plus longues (100 µm) que le COT est fort. Lorsque le COT est le plus élevé, les argiles renferment en outre de nombreuses particules organiques de très petite taille (< 1 µm) (p 1. 2 C). L'étude de la diagenèse dans un tel sédiment, riche en matière organique, a un double but au moins; il s'agit d'une part de déterminer l'incidence de ces transformations sur la microtexture organo-minérale et sur la teneur en carbone organique, et d'autre part de préciser les conditions d'environnement au moment du dépôt. La difficulté majeure rencontrée dans ce type de faciès est l'extrême rareté des critères pétrographiques permettant de fournir une chronologie relative entre les phases diagénétiques. La compaction accentue le réarrangement, parallèlement au plan de stratification, des minéraux phylliteux, qui moulent les grains détritiques, et provoque l'aplatissement des pellets fécaux. L'absence de bioturbation et de faune benthique indique que le fond de la mer est anoxique. La diagenèse commence donc par la sulfato-réduction bactérienne. Dans la zone de sulfato-réduction, la matière organique constitue le seul agent réducteur disponible; la réduction du Fe(III) augmente la quantité de bicarbonates dans le système ainsi que le pH; la diagenèse précoce se caractérise donc par la précipitation de calcite et de pyrite authigènes et par la déstabilisation de la calcite, des feldspaths et des micas détritiques (pl. 1D). Alors que les framboïdes de pyrite sont présents continûment, les cristaux euhédraux ne sont abondants que dans la première moitié du cycle. La formation des framboïdes n'est pas directe et signe des conditions non totalement réductrices; par contre, celle des cristaux euhédraux exige des conditions absolument anoxiques (Fisher et Hudson, 1987). Les différentes formes de pyrite peuvent cohabiter dans le même échantillon (pl. 2D), à quelques microns de distance, ce qui montre l'existence de microenvironnements plus ou moins réducteurs (pl. lE et F, pl. 2E). Dans un tel sédiment, marin et détritique, où le fer est a priori toujours disponible, le processus de sulfato-réduction peut se poursuivre jusqu'à épuisement du substrat organique ou du sulfate dissous. Lorsqu'il n'y a plus de sulfate disponible, le fer est piégé dans la glauconite, qui elle aussi est révélatrice de légères fluctuations du degré d'anoxie du milieu (Berner, 1981 ; Odin, 1985). L'état de maturation de la matière organique, révélé par le Tmax de la pyrolyse Rock-Eval (427 à 434° C) ou par d'autres critères géochimiques (Herbin et al. , 1991), montre que la décarboxylation thermique du kérogène a sans doute largement commencé. Le dioxyde de carbone et les acides organiques produits au cours de cet épisode sont susceptibles d'avoir sensiblement modifié le milieu intersticiel, dans un contexte où les températures, plus élevées (environ 80° C), n'ont pu qu'accélérer les interactions eau/minéraux. On observe partout des corrosions de quartz (pl. 2A et D). Les silicifications se présentent sous deux formes : quartz et calcédonite. La cristallisation de la calcédonite, beaucoup plus rapide que celle du quartz, indique une concentration de silice dans le milieu plus importante que celle nécessaire à la formation du quartz ainsi qu'un environnement non sulfaté (Arbey, 1980). L'existence d'un tel milieu résulte de l'utilisation de la totalité des sulfates par les bactéries sulfato-réductrices. La matière organique sous forme de petits grains constitue parfois des nuclei autour desquels la calcédonite croît de manière zonée. Il est important de souligner combien, dans le détail, la diagenèse minérale peut prendre un caractère local, à l'échelle du micron, et spécifique, sans doute sous le double effet de la grande diversité initiale des constituants et de la mauvaise qualité des circulations intersticielles. Ceci est illustré, outre les exemples de la pyrite et de la glauconite, par la transformation des algues carbonatées (pl. 2F). La diagenèse influence de manière notable la teneur en carbone organique, puisque la matière organique est détruite par les bactéries sulfato-réductrices. Deux hypothèses peuvent être envisagées, selon que le taux de sédimentation est constant ou non. Si le taux de sédimentation est constant, la diminution de carbone organique observée dans la deuxième partie du cycle est d'origine et reflète alors une diminution de la productivité. La capacité de la matière organique à être métabolisée par les bactéries sulfato-réductrices est corrélée positivement au taux de sédimentation (Berner, 1980) ; si le taux de sédimentation est constant, la quantité initiale de matière organique a diminué dans les mêmes proportions tout au long du cycle. Si le taux de sédimentation diminue dans la deuxième moitié du cycle, la sulfato-réduction renforce la baisse de la teneur en carbone organique. Un taux de sédimentation élevé conduit à un enfouissement rapide qui favorise la préservation de la matière organique métabolisable, qui devient disponible pour les bactéries sulfato-réductrices (Berner, 1984). Alors que l'interface eau/sédiment est un système ouvert où soufre et fer sont disponibles en permanence, la zone sous-jacente constitue un système fermé où la sulfato-réduction est poussée jusqu'à son terme, c'est-à-dire jusqu'à l'épuisement des sulfates (car il reste à l'évidence de la matière organique et du fer). La quantité de matière organique transformée par les processus de sulfato-réduction est donc proportionnellement plus importante au début qu'à la fin du cycle. La diminution du taux de sédimentation a accéléré la désagrégation des pelotes fécales sur le fond avant leur enfouissement. En outre, la constance du palynofaciès montre que la productivité planctonique n'a pas varié du début à la fin du cycle. Au début du cycle, les courbes de la calcite et du carbone organique suivent une évolution plutôt parallèle. Au MEB/ER, les coccolithes apparaissent disposés en amas lenticulaires d'une centaine de microns de long. Au contraire, dans la moitié supérieure du cycle, les courbes de la calcite et du carbone organique sont plutôt antagonistes, et les coccolithes sont, non pas regroupés, mais disséminés dans la matrice argileuse. Au début du cycle, les pellets fécaux ont pu se déposer intacts sur le fond; ils sont d'autant plus grands et plus abondants que le taux de carbone organique est élevé. Dans la deuxième partie du cycle, les pellets fécaux sont détruits avant d'atteindre le fond ou sur le fond avant d'être enfouis, cependant rien n'atteste qu'il y ait eu sur le fond des remaniements qui les auraient déstructurés (bioturbations, courants) : au contraire, le dépôt en fines lamines de la matière organique existe toujours et prouve la constance de la dynamique du milieu ; soit leur enveloppe organique protectrice est dégradée au cours du transit dans la colonne d'eau parce que le taux de sédimentation est moins fort, et seuls atteignent le fond des coccolithes dispersés (Honjo, 1976), soit les pellets ne se forment plus parce que les organismes qui les produisent sont moins abondants. Or une diminution de ces organismes se reflèterait dans le palynofaciès, ce qui n'est pas le cas. L'hypothèse d'une baisse du taux de sédimentation au cours du cycle, plutôt qu'une diminution de la productivité primaire, semble donc plus plausible. Les études pétrographiques et géochimiques, lorsqu'elles sont menées conjointement, permettent de mieux décrire la microtexture organo-minérale et de préciser l'environnement de dépôt. C'est la présence de matière organique dans le sédiment qui déclenche tous les processus de la diagenèse. La sulfato-réduction, processus largement dominant, est poussée ici jusqu'à son terme. Des micromilieux aux conditions physico-chimiques variables ont été mis en évidence au sein d'un même échantillon. La diagenèse a pour effet non seulement la modification de la matrice minérale par le biais des dissolutions et néogenèses minérales, mais aussi la diminution de la quantité de matière organique initiale déposée. Enfin, cette étude souligne également combien la sédimentation par pelotes fécales est efficace pour la préservation de la matière organique.