Belas Infiéis (Aug 2015)

LA TRANSLATION DES RESTES : OÙ LOGE LA DÉPOUILLE D’ARISTOTE ? OBSERVATIONS SUR LA CONTROVERSE AUTOUR DE L’OUVRAGE DE SYLVAIN GOUGUENHEIM, ARISTOTE AU MONT SAINT-MICHEL

  • Laurent Lamy

Journal volume & issue
Vol. 4, no. 1
pp. 111 – 158

Abstract

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Cet article présente la brève introduction et le premier chapitre d’un travail en chantier qui porte sur la chaîne de transmission du corpus aristotélicien à la faveur d’un réseau très ramifié de traductions du grec vers le pehlvi, le syriaque, l’arabe et le latin. Cette intervention vise à démonter et à rectifier quantité de distorsions délibérément induites par l’ouvrage d’un historien qui, sous couvert d’une entreprise à prétention scientifique, n’est qu’un brûlot pamphlétaire destiné à discréditer et à réduire à une « peau de chagrin » l’apport indéniable, avéré par une masse critique concluante de résultats obtenus par les chercheurs les plus chevronnés, de la culture savante arabo-musulmane qui a connu son apogée et s’est maintenue avec vigueur et constance comme source créatrice du VIIIe au XIVe siècle de notre ère. La « pièce à conviction » de ce procès avorté, qui est mise en évidence de façon quasi anecdotique dans la structure de l’ouvrage, est un agrégat assez mince de traductions du corpus aristotélicien effectuées directement du grec et exécutées avec divers degrés de félicité par les soins d’un clerc et canoniste d’expression latine, Jacques de Venise, qui aurait séjourné, rien de sûr, à l’Abbaye du Mont Saint-Michel au milieu du XIIe siècle. Sur cette base passablement friable l’A. infère que seule la culture judéo-chrétienne latine européenne peut être désignée comme l’héritière légitime du legs imposant de la culture grecque et hellénistique. Compte tenu de l’ampleur de ce chantier et de la qualité des équipes de chercheurs à pied d’oeuvre autour du legs arabo-musulman médiéval, cette insinuation est tout à fait aberrante. Dans la partie du travail ici présentée je fais simplement état du parti frauduleux que l’on peut tirer d’un appareil de références tronqué, hautement sélectif et conçu ad hoc pour masquer, voire oblitérer les sources les plus éloquentes et les plus pertinentes. Ce genre de manoeuvre porte atteinte à l’ethos qui ne peut manquer de gouverner toute recherche scientifique digne de ce nom. Il nous incombait donc de pulvériser cette chimère.