Revue Internationale de Politique de Développement (Sep 2017)
La charité et la réussite commerciale comme vecteurs d’asymétrie et d’inégalités : les impensés du développement du Soudan islamiste durant la première république
Abstract
L’expérience islamiste soudanaise est loin d’avoir mis un terme à l’histoire conflictuelle du pays et ce malgré l’indépendance du Sud en juillet 2011. Pourtant, une meilleur intégration des régions, hormis le Sud, faisait partie des objectifs affichés des Islamistes à leur arrivée aux commandes de l’État en 1989. Cette contribution interroge cet apparent paradoxe en explorant l’expérience de développement menée par les islamistes durant leur première république (1989-2011) à partir de l’étude de certaines pratiques sociales qu’ils ont activement encouragées : celles de l’évergétisme et de la philanthropie sociale. Elle s’appuie sur une analyse des pratiques de bienfaisance des grands commerçants du principal marché de la capitale soudanaise. L’origine régionale, et plus particulièrement darfourienne, de la plupart de ces grands commerçants permet de comparer ce que produisent ces pratiques selon les territoires. Elle montre que cet encouragement, qui ne s’inscrit pas dans un schéma spécifique pensé par les islamistes, conduit à des formes variées de développement en fonction des contextes locaux et humains dans lesquels vivent les acteurs, mais aussi en fonction des conceptions particulières qu’ils se font de leur rôle dans les cercles auxquels ils appartiennent. Elle souligne alors combien ces variations produisent des résultats extrêmement disparates et souvent conflictuels qui poursuivent in fine la formation asymétrique de l’État soudanais dans la continuité de sa trajectoire historique productrice d’injustices et source de conflits.