Voix Plurielles (Nov 2012)
La métamorphose du célibataire chez Rachilde
Abstract
Un personnage fort intéressant fait son entrée sur la scène du roman (mais aussi de la société) à la fin du dix-neuvième siècle : le célibataire, qui devient peu à peu le héros de prédilection de la littérature fantastique. Écrivant et publiant à cette époque où la misogynie est à son paroxysme, l’écrivaine française Rachilde (1860-1953) semble de prime abord ne pas échapper à cette tendance : son œuvre, comme la littérature décadente, verse dans l’insolite, le morbide, la folie, la névrose, la perversion ; la femme y est considérée comme l’Autre, l’ennemie de l’homme entraînant le mal et la destruction. D’ailleurs, on y retrouve fréquemment ce personnage à la Dorian Gray ou à la Des Esseintes, notamment dans Le Mordu (1889), Les Hors Nature (1897), Refaire l’Amour (1927). Plus encore, et c’est peut-être là la plus grande originalité de Rachilde, une autre figure, plus marginale et peu répandue, émerge au sein de sa fiction ; le célibataire dandy et dilettante – si cher aux décadents – est, chez elle, femme. Également misanthrope désabusée – et peut-être même davantage puisqu’elle est consciente de son « pouvoir » et de ses possibilités d’action dans le monde dans lequel elle vit –, la femme célibataire chez Rachilde devient une force sur-naturelle et inquiétante, dont l’esprit, le corps et les traits en sont les signes prophétiques. Cet article portera sur l’étude de deux de ses romans L’Animale (1893) et La Jongleuse (1900) et s’intéressera tout particulièrement à leurs héroïnes respectives, Laure et Éliante, qui constituent deux profils, deux prototypes, du personnage de la femme célibataire rachildienne.