EspacesTemps.net (Apr 2004)
Le témoin et l’écriture de l’histoire.
Abstract
Une large couverture médiatique et éditoriale est aujourd’hui accordée aux « récits de vie », à l’expérience vécue sans que la nécessité de procéder à une mise en perspective critique, ni de réfléchir à l’intérêt intrinsèque des témoignages produits, ne semble jamais devoir être posée. Face à cette inflation d’images et de commentaires se fait entendre la parole du scientifique dont l’expertise, pense-t-on, devrait pouvoir répondre à certaines grandes questions agitant nos sociétés. Cet article plaide en faveur d’une vigilance épistémologique accrue (par une élévation du degré de rigueur et d’exigence) et souligne la nécessité pour le chercheur en sciences historiques de réfléchir aux circonstances et aux conditions de sa pratique, aux écueils de la surinterprétation et au risque de dérives interprétatives dans un contexte social et idéologique où, plus que jamais, les discours d’autorité perdent de leur légitimité. Wide media coverage is given nowadays to « real life stories », to people's experiences, apparently without ever asking whether some critical perspective is needed or what intrinsic interest such testimonies provide. Confronted with this deluge of pictures and commentaries, scientists are expected to provide answers to the important issues facing our societies. This article argues in favour of greater epistemological vigilance, more rigour, and underlines the need for historical researchers to reflect on the circumstances and conditions in which they exercise their profession, the pitfalls of over-interpretation, and the risk of interpretative diversions in a social and ideological context in which the discourse of authority is losing its legitimacy.