SHS Web of Conferences (Jul 2014)
De l'écrit vers la parole. Enquête sur les correspondances peu lettrées de la Grande Guerre
Abstract
On défendra l’idée que les archives écrites, et plus spécifiquement celles qui émanent de scripteurs peu lettrés, peuvent ouvrir accès à la parole perdue. Depuis quelques années, les médiévistes recherchent dans les textes du Moyen Âge des traces d’oralité (Guillot 2009, Marchello-Nizia 2012) ; on s’inspirera de leur démarche, en l’appliquant à une parole moins lointaine, mais non enregistrée : celle des Poilus de la Grande Guerre. Ne peut-on étendre l’enquête et s’intéresser aussi aux indices que livrent certains écrits sur la prononciation ? On propose d’exploiter dans cette direction les archives peu lettrés. Pour la présente étude est utilisé un corpus de correspondances familiales peu lettrées de la période 1914-1916. On argumentera le recours à une démarche inductive menant de l’écrit vers, non pas seulement l’oralité, c’est-à-dire les caractéristiques lexicales, syntaxiques et stylistiques du discours oral, mais plus largement vers la parole, le terme englobant pour nous « usage parlé » et « dimension phonique ». Les correspondances familiales analysées, par le genre discursif dont elles relèvent et par leur simplicité stylistique, présentent les caractéristiques d’une forte proximité communicative et s’inscrivent dans ce que Koch et Österreicher (2001) nomment le « parlé graphique ». On montrera comment leur caractère peu lettré peut permettre une induction vers la parole. En particulier, la connaissance partielle de l’orthographe standard peut laisser supposer une pratique directe de correspondances phonogrammiques, et permet de percevoir les prononciations du scripteur.