Studii si Cercetari Filologice: Seria Limbi Romanice (Nov 2012)
LES CORPS LACUNAIRES DE REVERDY
Abstract
La plénitude est étrangère au monde imaginaire de Reverdy. Son écriture ressasse l’impossibilité d’une emprise stable sur un réel qui demeure inassimilable, inaccessible, sauf à subvertir l’idée du lieu, à défaire l’unité spatiale du corps. De là, un moi volontiers diffus, des jeux de diffraction du sujet lyrique, des figurations métonymiques d’êtres dépourvus de toute localisation. Sa poésie, qui investit parfois le domaine du conte ou du roman, déploie ainsi toute une rêverie du renoncement à la servitude du corps. Une des figurations les plus saisissantes réside dans ces figures fantomatiques, ces personnages en creux que l’on trouve çà et là — pour Jean-Pierre Richard, « le fantomatique représente [...] un mode favori d’apparition » — dans le monde imaginaire reverdyen. Ces corps lacunaires, tel celui du Voleur de Talan, personnage estompé, elliptique, fuyant, renvoient à un imaginaire spécifique d’une possible perte du moi, d’un désir d’échapper au lieu que disent aussi ces images de la maigreur, ces mouvements de bras éperdument tendus à l’infini, ces perpétuations de corps sous une forme estompée ou décolorée que déploient la poésie reverdyenne.