Linguistica (Dec 2011)

La liaison de l'adjectif sur le nom en français : morphologie, syntaxe, phonologie

  • Marc Plénat,
  • Camille Plénat

DOI
https://doi.org/10.4312/linguistica.51.1.299-315
Journal volume & issue
Vol. 51, no. 1

Abstract

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La liaison de l'adjectif sur le nom en français relève pour l'essentiel de la morphologie et de la syntaxe. Seules étudiées ici, les formes de liaison du masculin singulier (FLMS) constituent l'un des éléments du paradigme flexionnel de l'adjectif. Un adjectif peut être défectif à la FLMS ou prendre une FLMS supplétive. Les formes régulières, quant à elles, résultent de l'interaction de deux contraintes partiellement contradictoires : une FLMS doit, autant que faire se peut, 1) recourir au thème utilisé au masculin et 2) se terminer par une consonne. D'où, en cas de conflit, diverses stratégies consistant à retenir le thème utilisé au féminin (ex. SOT, FLMS: /sǎt/), à privilégier le thème du masculin (ex. SOT, FLMS : /so/), ou à munir ce dernier de la consonne finale du thème du féminin (ex. SOT, FLMS : /sot/). Les FLMS sont choisies non pas en vue de fournir une attaque à la syllabe initiale du nom qui suit, mais simplement sélectionnées par une classe de noms déclencheurs de liaison qui ne se laisse pas définir en termes purement phonologiques. Les " liaisons à distance " que l'on observe lorsque deux adjectifs coordonnés sont préposés au nom (cf. un bel et charmant enfant), même quand la conjonction commence par une consonne (cf. un bel, mais chétif, enfant) montrent suffisamment que la sélection des FLMS est une opération syntaxique et non phonologique. Ce sont aussi des contraintes syntaxiques qui expliquent la répartition des cas d'enchaînement et de non-enchaînement lorsque l'adjectif est séparé du nom par une rupture intonative et une pausule (cf. j'en ai un petit, t-éléphant vs j'en ai un bel, éléphant). Dans ce contexte, l'adjectif devrait apparaître à la fois sous sa forme liée en tant qu'il est prénominal et sous sa forme libre devant la rupture intonative. Dans tous les cas, c'est la FLMS qui est sélectionnée, mais, lorsque celle-ci inclut strictement la forme libre (cas de /pǎtit/, forme libre /pǎti/), l'enchaînement permet de satisfaire en même temps la contrainte requérant la présence de la forme libre devant la rupture intonative. Ces enchaînements ne sont en aucun cas l'indice d'un statut spécial - phonologique ou morphologique - des " consonnes de liaison ". Curieusement, on constate toutefois qu'au sein des coordinations adjectivales, la phonologie joue à l'occasion un rôle dans la sélection des FLMS : celles-ci sont proportionnellement moins nombreuses devant consonne que devant voyelle, mais plus nombreuses quand leur présence permet d'éviter un double hiatus.

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