Études Platoniciennes (Jan 2022)
L’unité de l’âme, au péril de l’homme ?
Abstract
Plotin adopte la définition platonicienne de l’homme proposée dans l’Alcibiade : « l’homme, c’est l’âme ». Cependant, il rejette la tripartition de l’âme exposée dans le Timée et la République, parce qu’elle n’est pas compatible avec le double postulat de l’impassibilité et de l’unité de l’âme nécessaire pour rendre compte d’une remontée de l’âme vers l’Intellect et l’Un-Bien. Surtout préoccupé du salut de l’âme, Plotin adosse une psychologie dualiste héritée du Phédon à une éthique de l’assimilation au divin empruntée au Théétète. Cette unification du platonisme dans une perspective eschatologique confronte la définition de l’homme inspirée de l’Alcibiade à une forte tension : défini, pour les besoins de la conversion, comme une unité impassible qui aspire à remonter vers les principes, l’homme est aussi, en vertu de la procession, un composé irrationnel, le vivant soumis aux affections et enclin aux appétits. Comment, dès lors que le θυμός n’est plus conçu comme un principe régulateur, surmonter le conflit entre les désirs antagonistes de l’âme et du vivant ? Plotin résout cette difficulté en transférant à la διάνοια les fonctions du θυμός. Comme l’hégémonique stoïcien, la διάνοια est une faculté rationnelle qui connaît, décide et exécute. C’est elle qui qualifie l’homme en « vivant rationnel ». La promotion de la διάνοια, dépositaire des traces de l’Un et de l’Intellect, permet à Plotin de concevoir une éthique originale qui, tout en exhortant au dépassement de l’individu et de l’homme, invite à célébrer ce qui, dans le cosmos et le vivant, procède de l’ordre intelligible.
Keywords