Revue de Primatologie (Jan 2016)

Amélioration des conditions de vie de lémuriens issus du commerce illégal et ayant subi différents traumatismes à Madagascar

  • Emeline Lempereur,
  • Delphine Roullet,
  • Emmanuelle Pouydebat

DOI
https://doi.org/10.4000/primatologie.2374
Journal volume & issue
Vol. 6

Abstract

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Aujourd’hui, de nombreuses espèces de primates sont menacées par le commerce illégal et sont utilisées en tant qu’animaux de compagnie, ce qui nuit à leur bien-être et leur conservation. Les lémuriens n’en font pas exception, puisqu’une étude de Temple University en a répertorié 28 000 chez des particuliers à Madagascar, en détention illégale et vivant dans des conditions très précaires et inappropriées. De plus, à la différence des parcs occidentaux où les lémuriens sont issus de populations captives depuis des dizaines d’années, les parcs malgaches abritent des animaux issus de ce commerce illégal. Subissant violences, mutilations et régime alimentaire inadapté, l’apparition d’anomalies comportementales est très fréquente. L’impact de l’homme et les conditions sous-stimulantes de l’environnement ont ainsi des effets négatifs sur leur bien-être, sur leur état physique comme psychologique et peuvent conduire à de la léthargie, de l’autostimulation excessive et de l’agressivité en zoo (Carlstead, 1996). Faire varier l’environnement est alors nécessaire afin de créer de nouvelles expériences au sein d’enclos statiques. Cependant, comment ces animaux ayant subi différents types de traumatismes réagissent-ils face à des modifications de leur environnement ? Le premier objectif de ce travail était de réduire les comportements de léthargie, de stéréotypie, d’agressivité et d’augmenter les comportements de fourragement pour chaque individu en leur présentant deux séries d’enrichissements. Le second objectif visait à déterminer si l’histoire des individus avait un impact sur l’expression de leurs comportements en l’absence ou présence d’enrichissements. Une étude a ainsi été réalisée entre le 2 février et le 20 juin 2015, au sein du Refuge Reniala à Mahajanga, afin de relever les activités comportementales (budget temps) par la méthode d’échantillonnage instantané « scan sampling » (Altman, 1974) pour 3 espèces de lémuriens (Eulemur rufus, Eulemeur mongoz, Propithecus coquereli, soit 9 individus au total). Ces observations ont été réalisées sous trois conditions : dans l’environnement initial (C1), en présence d’enrichissements de type 1 (C2) et de type 2 (C3). Nous avons ensuite classé chaque individu dans une catégorie de traumatisme (faible N=3 ; moyen N=2 ; fort N=4). Les résultats montrent que les enrichissements de type 1 et 2 s’accompagnent d’une augmentation significative des comportements de fourragement et d’une diminution significative des comportements de stéréotypie et de vigilance. Certains individus ont présenté des résultats particulièrement intéressants. L’un ayant le plus fort taux de stéréotypie avec une moyenne de 17,5 % 9,3 en C1) a obtenu en C3 une moyenne de 2,22 % 2,7) (p<0,001). Parfois, les comportements de fourragement ont doublé. Malheureusement, des individus n’ont pas obtenu les résultats espérés, probablement à cause des traumatismes trop importants subis. Quelle que soit la condition, les animaux ayant subi de forts traumatismes ont présenté en moyenne des temps de recherche alimentaire nettement plus faibles, accompagnés de temps de vigilance et d’inactivité plus élevés que chez ceux ayant subi de faibles ou moyens traumatismes. L’impact de l’histoire des animaux a donc un effet sur l’expression des comportements et sur le bien-être de ces animaux. Au vu de ces résultats, il serait nécessaire de développer cette étude sur un plus grand nombre d’individus issus du commerce illégal, afin de mettre en évidence l’impact de l’homme sur les lémuriens et de pouvoir ainsi sensibiliser les populations locales comme internationales sur l’importance de la gestion des espèces sauvages.Je tiens à remercier madame Nigar Barday et monsieur Philippe Lormettaux, directeurs du Refuge de l’Univers Reniala (Mahajanga) pour m’avoir si bien accueilli et permis de réaliser ce travail. Je remercie également les équipes de menuisiers et de soigneurs du refuge pour la construction et l’installation des enrichissements. Je tiens à remercier aussi Jean-Yves, soigneur au Parc Zoologique de Paris, et Carole, soigneuse du Parc Zoologique de Besançon, pour leurs précieux conseils dans la présentation des enrichissements aux lémuriens grâce à leurs expériences. Enfin, merci à monsieur Jean-Luc Durand pour son aide dans l’analyse statistique des données.

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