Cahiers d’histoire. (Jan 2012)
Le corps criminel au xixe siècle : du trouble des facultés de l’âme à la dégénérescence
Abstract
Si les éléments subjectifs du crime que sont la volonté et l’intention criminelles sont traditionnellement au cœur des investigations judiciaires, le corps des criminels y trouve une place nouvelle au xixe siècle, autour du lancinant problème de la « folie criminelle » et de l’idée d’un ancrage biologique des penchants et des comportements. La maladie mentale qui, depuis l’Antiquité, constitue une limite à l’exercice de la justice, est une thématique renouvelée au xixe siècle. Le principe en est formalisé avec l’article 64 du Code pénal sur la démence, mais surtout s’ouvre alors un dialogue, parfois conflictuel mais également productif, entre droit et médecine. C’est en réalité le sujet classique qui se transforme, sous l’impulsion de la médecine morale qui étend le champ de l’aliénation mentale et multiplie les formes et les degrés des troubles de l’esprit, sous l’impulsion aussi, dans un second temps, d’une médecine anatomo-pathologique qui veut ancrer la maladie mentale dans le corps, mais aussi parce que l’enquête judiciaire prétend décrypter de plus en plus précisément l’intériorité morale des inculpés. Dans cet effort, le corps, devenu siège de la subjectivité en des formes de plus en plus déterministes, détient une place fondamentale. Le corps des inculpés, devenus délinquants, forme ainsi un nouveau territoire politique qui voit la « dangerosité » se substituer à la « perversité de l’âme ».
Keywords