Recherches (Nov 2020)

Du double statut de l’art

  • Claire Audhuy

DOI
https://doi.org/10.4000/cher.329
Journal volume & issue
Vol. 25
pp. 49 – 55

Abstract

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Claire Audhuy examine la manière dont les Nazis organisèrent le grand mensonge des camps à travers les visites de Comités de la Croix-Rouge et le tournage de films, et dont ils utilisèrent l’art à ces fins. Ils poussèrent le vice jusqu’à faire participer directement leurs prisonniers à des mises en scène et mascarades. Deux de ces mascarades sont examinées : celles des camps de Terezin et de Westerbork. Terezin, “camp vitrine”, a été fabriqué de toutes pièces par les Nazis dans le but de montrer à la Croix-Rouge notamment, mais aussi au reste du monde, un visage policé des camps nazis. Ils y organisèrent par exemple une représentation théâtrale de Brundibar, un opéra en deux actes de Hans Krsása, dont la première représentation à Theresienstadt eut lieu le 23 septembre 1943. Lors de sa visite du camp de Terezin, pour la Croix-Rouge, en juin 1944, Maurice Rossel ne vit rien de mal, il rendit un avis positif. C’est ainsi que les Nazis associèrent les Juifs à leur extermination, en les forçant au mensonge, les mettant en scène dans un faux camp, les sollicitant pour jouer des rôles de Juifs heureux. Et les artistes de ces camps ont, malgré eux, partagé un art complice des nazis : un art mensonger utilisé contre eux-mêmes.

Keywords