Revue de Primatologie (Feb 2014)

Reconnaissance des indices attentionnels humains par le babouin olive (Papio anubis)

  • Marie Bourjade,
  • Adrien Meguerditchian,
  • Florence Gaunet

DOI
https://doi.org/10.4000/primatologie.1625
Journal volume & issue
Vol. 5

Abstract

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S’adresser à un partenaire attentif est un des pré-requis de la communication intentionnelle. Dans une situation expérimentale de quémande alimentaire, les primates non humains sont généralement capable d’ajuster leur communication gestuelle à l’état d’attention visuelle d’un humain. Toutefois, la reconnaissance des indices posturaux d’attention intra- ou interspécifiques, celle-là même qui détermine cette flexibilité communicationnelle, peut provenir d’apprentissages sociaux dont les mécanismes restent méconnus. Cette étude examine l’effet de l’expérience préalable des sujets, i.e. l’effet d’un entrainement explicite à quémander, sur la capacité du babouin olive à discriminer les indices posturaux d’attention d’un humain dans une situation de quémande alimentaire. Un premier lot de babouins a été entrainé à produire un geste de quémande alimentaire par un expérimentateur positionné de face, les yeux ouverts regardant les sujets (lot Attentif). Un deuxième lot de babouins a été entrainé à produire ce même geste par un expérimentateur positionné de profil, ne regardant jamais les sujets (lot Témoin). Les deux lots de babouins ont ensuite été testés dans une tâche communicative de quémande alimentaire pour leur capacité à discriminer les indices posturaux associés à l’état d’attention d’un humain. A cet effet, les gestes de quémande produits face à un humain (i) de face les yeux ouvert, (ii) de face, les yeux fermés, et (iii) de dos, ont été quantifiés et comparés entre les deux lots de babouins. Les résultats montrent que le mode d’entrainement préalable affecte la capacité des babouins à reconnaître les différents indices posturaux de l’humain ; les babouins du lot Attentif quémandent plus envers un humain de face, les yeux ouverts, qu’envers un humain dont les yeux sont fermés ou qui a le dos tourné. A l’inverse, les babouins du lot Témoin n’ajustent pas leur communication gestuelle à l’état d’attention du partenaire humain. Cette étude révèle également que l’état des yeux, l’orientation du visage et l’orientation du corps n’ont pas la même saillance pour les babouins du lot Attentif. Ces derniers quémandent plus que les babouins du lot Témoin face à un humain positionné de face les yeux ouverts, tandis que les deux lots produisent une quantité de quémande similaire face un humain de face, les yeux fermés. Les babouins entrainés par un humain attentif ont donc appris que l’état des yeux était un indice pertinent de l’attention, plus que l’orientation du visage et du corps, sans quoi nous aurions observé une différence avec le lot Témoin face à un humain de face les yeux fermés. Cette étude est la première à montrer le lien existant entre la flexibilité de la communication gestuelle et les mécanismes d’apprentissage associatifs qui sous-tendent la compréhension du monde social chez les primates non humains. Elle ouvre des pistes intéressantes sur la compréhension du regard et la saillance des yeux dans la perception de l’attention chez autrui.

Keywords