M@GM@ (May 2020)
Enjeux pragma-énonciatifs et psychoaffectifs du silence dans les interactions dialogiques
Abstract
Quand l’homme décide de garder le silence, de ne pas parler ou de ne pas agir, cela ne signifie pas qu’il soit incapable de parole (d’action) ou qu’il soit frappé de mutité ou de trouble somatique. Le silence est un autre langage à propos duquel on asserte que son énonciation est pure . L’action, celle du corps, de la pensée et de la prolation ne se suspend jamais avec le silence. Au contraire, dans le silence, l’homme est plus bruyant que jamais, sa voix est plus tonique qu’elle ne se laisse appréhender. Il s’agit d’une question de perspective de réception du phénomène. Dans le silence, l’homme parle, converse, argumente, crée, émeut, etc. mais dans un langage dont le corps apparent reste le vide matériel et charnel. Parce qu’il est ce tout qui ne dit rien de (sur) lui-même en tant qu’ouverture sur tous les possibles interprétatifs, le silence est un phénomène lâche. Il semble qu’il soit à la fois cette chose facile et difficile à faire venir à la vie. Dans tous les cas, le silence est une praxis grave et lourde de conséquences dans les relations humaines. Tout ce qui concerne le silence est particulier, son contexte et son appareil formel d’énonciation, son énoncé, ses fonctions pragma-énonciatives, si bien que sa pratique dans une interaction ne révèle jamais systématiquement l’ethos de son émetteur. Quant au pathos du récepteur, il dépend des contenus rationnel et affectif que ce dernier affecte au silence dont la captation, d’un point de vue sensoriel est syncrétique ou synesthésique. Les fonctions du silence sont si nombreuses (argumentative, rhétorique, cathartique, phatique, poétique, ludique, etc.) qu’il reste sans doute le phénomène de langage et le moyen de communication le plus total, mieux le plus absolu. Dans les actes dialogiques, il pèse plus que toute autre forme d’énonciation. La présente contribution se donne pour finalité d’interroger le pouvoir illocutoire mais également psycho-affectif du silence dans les actes dialogiques. Dit autrement, quel est le statut du silence dans les systèmes énonciatifs ? En plus d’être une philosophie du langage, le silence n’est-il pas un objet anthropologique ? L’essentiel étant pour nous de partir de l’hypothèse de travail selon laquelle dans tout acte dialogique, le silence détient une portée évocatoire et perlocutoire considérable.