Les Ateliers de l’Ethique (Apr 2012)

Les psychopathes sont-ils heureux ? Un défi pour la moralité

  • Jessy Giroux

Journal volume & issue
Vol. 7, no. 1
pp. 213 – 233

Abstract

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Dans le but de défendre la thèse de la correspondance entre le comportement moral et le bonheur, j’analyse dans cet article le cas problématique des psychopathes. Les psychopathes sont des individus qui ne reculent devant aucun interdit moral pour satisfaire leurs désirs, et qui ne ressentent aucun remord ou scrupule face à leurs agissements. En ce sens, ils paraissent obtenir un « ticket gratuit » dans le domaine de la moralité. Comment un défenseur de la thèse de la correspondance entre moralité et bonheur peut-il rendre compte du cas du psychopathe ? Le psychopathe vient-il réfuter cette thèse, ou représente-t-il plutôt une exception légitime ? Je défendrai ici une solution alternative ; après avoir proposé une version plausible de la thèse de la correspondance, je tenterai de démontrer que les psychopathes ne sont pas heureux, et ce en vertu de caractéristiques essentielles de la psychopathie. Leur statut de « criminel en puissance » et leur faible capacité de contentement sont les deux éléments centraux qui m’amèneront à conclure que les psychopathes ne sont pas heureux. Loin de réfuter ou d’échapper à la thèse de la correspondance, le cas des psychopathes vient donc en réalité renforcer cette thèse.My goal in this paper is to defend the idea of a general correspondence between happiness and morality, and I do so by analyzing the problematic case of psychopaths. Psychopaths are individuals who are not bothered by moral restrictions when it comes to satisfying their desires. They feel no remorse and have no scruples, and as such they appear to be “free-riders” in the realm of morality. The unusual case of psychopaths will therefore pose a problem to someone who argues that there is a correspondence between happiness and morality: should psychopaths be seen as refuting the correspondence rule, or are they merely a legitimate exception to that rule? I will propose an alternative explanation; after having presented a plausible version of the correspondence thesis, I will try to show that psychopaths, for reasons constitutive of their nature, really are not happy. Psychopaths’ quasi-inevitable criminal behaviours as well as their low capacity for contentment are two central elements that lead me to argue that they are not happy. I therefore conclude that psychopaths, far from refuting the correspondence thesis, actually reinforce that thesis.