Voix Plurielles (Dec 2015)
« Parle et je te baptise ! » De l’âme des bêtes au siècle des Lumières
Abstract
Le siècle des Lumières voit théologiens, philosophes et naturalistes s’interroger quant à la supériorité de l’homme sur la bête, alors qu’ils tentent de préciser la nature de la frontière qui les sépare. Qui est la bête ? A-t-elle une âme ? Dans l’affirmative, de quelle nature est-elle (matérielle ou spirituelle) ? Quelle est alors sa destinée (mortelle ou immortelle) ? Les bêtes souffrent-elles ? Dieu est-il injuste alors envers ces êtres innocents ? Partagent-elles notre faute originelle ? Autant de questions, emblématiques des incertitudes qui saisissent l’esprit des Lumières quand l’animalité le taraude, et qui annoncent un raffinement des limites entre natures humaine et animale. C’est dans cette optique que cet article propose une esquisse de la représentation de l’âme des bêtes en cette période où la variété des postures philosophiques témoigne de l’épistémè d’une anthropologie naissante où faire de l’âme de l’homme un objet d’histoire naturelle passe non plus seulement par un recours à la Révélation, mais par une réflexion sur la sensibilité. Pour ce faire, nous mettrons en perspective deux postures qui se succèdent chronologiquement : tout d’abord, la religieuse, héritage du cartésianisme, avant d’explorer comment le sensualisme ambiant proposera des représentations nuancées qui ouvriront sur une possible continuité biologique et morale entre l’homme et l’animal.