Alternative Francophone (Sep 2009)

Cacophonie linguistique dans l’espace francophone montréalais, ou comment redéfinir la francophonie québécoise

  • Geneviève Maheux-Pelletier

DOI
https://doi.org/10.29173/af6616
Journal volume & issue
Vol. 1, no. 2
pp. 34 – 57

Abstract

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Cet article s’interroge sur la définition de la francophonie québécoise à partir de l’analyse de données empiriques recueillies dans une entreprise d’insertion pour immigrants à Montréal. Il vise à mettre en contraste le discours sur la langue de travail tel qu’il est articulé par le personnel administratif de cette entreprise et les choix langagiers des immigrants en formation dans ce même centre. Ces choix, ainsi que les discours qui s’y rapportent, ont été documentés à l’aide de transcriptions de plus de vingt-quatre heures de conversations spontanées enregistrées sur magnétophone, de dix heures d’observation participante et de quatre heures d’entrevues avec les membres du personnel. L’analyse porte particulièrement sur les choix linguistiques de ces immigrants. La présence de deux groupes linguistiques dominants leur permet de communiquer dans leur langue maternelle et d’ériger des barrières linguistiques assez étanches laissant peu de place à la communication intergroupe. Plusieurs éléments d’explication seront proposés. D’abord, la compétence approximative dans les langues officielles oblige les allophones à recourir à leur langue maternelle, même si cette pratique n’a pas que des répercussions positives. S’il est vrai que l’usage de la langue maternelle permet de maintenir les liens qui existent dans la communauté linguistique d’appartenance, elle rend l’intégration dans le milieu de travail, de l’aveu même des immigrants, plus difficile. Des raisons systémiques rendent compte de cette pratique. D’abord, le domaine d’emploi dont il est question ici ne valorise pas l’usage du français. De plus, le centre de formation s’efforce de maintenir une image francophone qui nuit aux stagiaires, car si en surface le français est la langue véhiculaire, la réalité requiert une stratégie d’intégration globale incluant l’apprentissage adéquat du français. En conséquence, le français n’est que peu accessible pour ces allophones et ne comporte pas suffisamment d’avantages pour qu’il devienne le choix normal et habituel au travail. Bref, les prérogatives économiques, c’est-à-dire la formation d’une main-d’œuvre manufacturière, sont priorisées au détriment de l’intégration linguistique. This article examines the definition of francophonie québécoise based on empirical data collected in a training centre also operating as a manufacturing business for immigrants in Montreal. Its goal is to compare and contrast discourse regarding the working language as explained by the personnel of the training centre and actual language use. Language choices and discourse are documented through the recordings and transcriptions of more than twenty-four hours of naturally-occurring conversations on site, ten hours of participant observation, and four hours of interviews with staff members. The analysis will focus on the linguistic choices of allophone workers. The existence of two dominant linguistic groups enables them to establish strong linguistic barriers that make inter-group communication quite difficult. Several arguments will be proposed to explain this situation. First, these workers are only partially proficient of the official languages, so they have to turn to their native language whenever possible although this practice only comprises negative repercussions. Although the use of the native language enables them to maintain solidarity with their linguistic group, it also impairs their ability to fully participate in their workplace, as they themselves recognize. Systemic reasons also explain linguistic practices. First, the sector in which they work does not value the use of French. Second, the training center tries very hard to maintain a French-speaking image that is detrimental to the trainees because in fact, French is the lingua franca only at the surface of things whereas reality would required a global strategy of integration including appropriate language training. Consequently, the French language is only partially accessible and its use does not encompass enough advantages for these workers to make it their normal and habitual language choice in the workplace. Hence, linguistic integration is second to economic forces driving the workface, namely, training people to perform a job regardless of their linguistic ability.

Keywords