Voix Plurielles (Nov 2011)
Le crime fantastique dans _Le grand saigneur_ de Rachilde
Abstract
Marguerite Eymery-Vallette (1860-1953) – plus connue sous son pseudonyme d’homme de lettres Rachilde et davantage encore pour la controverse qu’elle a créée avec la parution de sa troisième œuvre, Monsieur Vénus, roman matérialiste (1884) – a énormément publié tout au long de sa carrière littéraire (on dénombre plus d’une soixantaine d’œuvres : romans, nouvelles, contes, pièces de théâtre, etc.). Écrivant à une époque dite décadente, Rachilde y brille par ses œuvres subversives, abordant entre autres les pratiques sexuelles dépravées (sadomasochisme, nécrophilie, zoophilie, etc.), mais surtout le crime (qu’il soit question de meurtre, de viol, de suicide, etc.). Ainsi, son personnage de prédilection est le marginal, le criminel dénué de morale. Cet article portera donc sur la façon dont le crime (et donc le criminel) chez Rachilde verse dans le fantastique, plus spécifiquement dans un fantastique du monstrueux moral que je définirai dans un premier temps. Le roman de Rachilde, Le Grand Saigneur (1922), servira ensuite d’exemple significatif de ce monstrueux moral, notamment par l’étude du personnage éponyme de l’œuvre, soit le marquis Yves de Pontcroix, qui incarne ce criminel arborant les traces tant morales (tempérament sauvage et étrange) que physiques (force hors du commun, pâleur de la peau, etc.) de sa monstruosité. C’est donc dire que face au(x) crime(x) (ou au criminel) le fantastique semble s’imposer de lui-même en guise d’explication : le genre humain ne peut vraisemblablement avoir quelque chose en commun avec cette monstruosité (ou ce monstre moral, pour reprendre les mots de Michel Foucault dans Les Anormaux). En somme, cet article se penchera sur la spécificité de l’écriture rachildienne, qui, dans le cas du roman Le Grand Saigneur, attribue une dimension fantastique au personnage criminel, renforçant d’autant plus la preuve de sa difformité (monstruosité) et de sa culpabilité.