Cahiers Africains des Droits de l’Homme et de la Démocratie ainsi que du Développement Durable (Apr 2023)
LA PRESCRIPTION ACQUISITIVE EN MATIÈRE IMMOBILIÈRE EST-ELLE POSSIBLE EN DROIT POSITIF CONGOLAIS ? NOTRE RÉACTION À LA THÈSE DÉVELOPPÉE PAR LE PROFESSEUR KIFWABALA TEKILAZAYA
Abstract
En date du 18 décembre 2020, la Cour d’Appel de Kinshasa/Matete a rendu un arrêt, sous RCA 11792 par lequel elle rejette la revendication - de la propriété immobilière - formulée par une des parties au procès qui fondait ses droits, entre autres, sur sa possession prolongée de l’immeuble querellé, arguant que celle-ci (possession) de plus de 15 ans, lui conférait, sur la base de l’article 648 du Code Civil Congolais Livre III qui organise la prescription acquisitive des immeubles, la propriété dudit immeuble. La Cour estima que la disposition légale vantée par le revendiquant était inapplicable en droit immobilier congolais. Position que ne partage pas Monsieur KIFWABALA, professeur de droit civil des biens à l’université de Lubumbashi, qui, dans ses commentaires de l’arrêt susvisé, s’en prend vertement à la Cour d’Appel de Kinshasa/Matete qui, selon lui, aurait dû, dès lors qu’une partie de la parcelle querellée n’était pas encore enregistrée, considérer que la prescription acquisitive était parfaitement réalisée en faveur du possesseur de l’immeuble (sur la partie non enregistrée), en vertu de la disposition légale (article 648 Code Civil Livre III) rejetée par la Cour. D’autant que, soutient-il, la disposition légale qui prévoit la prescription acquisitive, en l’occurrence, l’article 648 du Code Civil Livre III, n’a jamais été expressément abrogée par la loi qui régit la propriété immobilière en droit congolais (loi foncière). Et que la possession d’un immeuble non enregistré conférerait plutôt au possesseur un véritable droit à devenir propriétaire dudit immeuble, droit connu du législateur foncier congolais et dont la constitution, en faveur du possesseur, serait justement organisée par l’article vanté (648 Code Civil Livre III). Ce raisonnement, pour le moins étrange, nous parait totalement en déphasage aussi bien avec la théorie générale de l’usucapion (prescription acquisitive) qui est un mode d’acquérir plutôt un droit de propriété à part entière et non celui à devenir propriétaire (deux notions distinctes) mais aussi avec les règles spécifiques du droit foncier et immobilier congolais, issu du système Torrens (droit australien), qui érigent le Certificat d’Enregistrement en titre de propriété obligatoire et intangible sans lequel aucun droit de propriété immobilière ne peut être établi. En sorte qu’un simple possesseur d’un immeuble, dépourvu d’un tel titre, ne peut - quelle que soit la durée de la possession - aucunement, en droit congolais, revendiquer la propriété immobilière dudit immeuble. L’article 648 du Code Civil Livre III est clairement incompatible avec ce principe impératif du droit foncier et ne peut donc, selon nous, trouver à s’appliquer en matière immobilière.