SHS Web of Conferences (Jan 2016)

De l’harmonie dans la construction des mots français

  • Roché Michel,
  • Plénat Marc

DOI
https://doi.org/10.1051/shsconf/20162708003
Journal volume & issue
Vol. 27
p. 08003

Abstract

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La formation des gentilés, particulièrement sensible aux contraintes d’euphonie, permet de mettre en évidence, pour le français, deux manifestations complémentaires de la contrainte dissimilative. L’une, négative, tend à éviter la consécution à faible distance du même phonème ou de deux phonèmes proches. Elle explique la sous-représentation des deux principaux suffixes, -ais et -ois, après une accroche en sifflante, à cause de la sifflante conte-nue par le suffixe au féminin, ainsi que la sous-représentation de -ais après /E/ et de -ois après /A/. L’autre, positive, favorise entre les voyelles une harmonie fondée sur les contrastes. De-vant les suffixes dont la voyelle est une voyelle d’avant moyenne ou haute (-ais, -ain, -in, -ier…), sont privilégiés les radicaux dont la dernière voyelle est une voyelle d’arrière moyenne ou basse, et de préférence un /O/ plutôt qu’un /A/. Devant les suffixes dont la voyelle est une voyelles d’arrière moyenne ou basse (-ois, -ot, -on, -and, -at, -ard…), sont privilégiés les radi-caux dont la dernière voyelle est une voyelle d’avant moyenne ou haute, et de préférence un /i/ plutôt qu’un /E/. Pour cela, un yod au contact du suffixe joue le même rôle qu’un /i/ dans la syllabe précédente. Cette harmonie est obtenue soit par la sélection du suffixe, soit par un aménagement – substitution, épenthèse, troncation, insertion d’un interfixe, etc. – du radical fourni par la base. On observe d’autre part une harmonisation de l’accroche consonantique du radical avec la voyelle du suffixe. Devant -ois, sont privilégiées les attaques en labiale ou en vélaire, en accord avec le double caractère du /w/ propre à ce suffixe. Devant -ais et -ain, ce sont les attaques en dentale. Devant -ot, -on, -and, -at, -ard, la tendance à rapprocher l’articu-lation de la consonne de celle de la voyelle peut aller jusqu’aux vélaires mais elle s’arrête sou-vent aux palatales à cause de la rareté des moyens offerts par les vélaires en français et de la contrainte portant sur les voyelles, qui privilégie devant ces suffixes une attaque en yod.