Nouvelle Revue Synergies Canada (Feb 2022)
« Ne pas parler à la place des premiers concernés ». Étude d’une pratique politique d’éthique langagière chez des militants politiques pour les droits des étrangers en France
Abstract
Les mobilisations pour les droits des étrangers sont parfois le cadre de pratiques langagières reposant sur une idéologie langagière caractérisant la parole politique comme une voie d’émancipation possible. On s’intéressera en particulier à une pratique, celle de « ne pas parler à la place des premiers concernés » telle qu’elle se réalise dans ce champ de luttes. Ce travail se situe à l’articulation entre analyse de discours et sociolinguistique. Loin d’être une simple exigence morale, « ne pas parler à la place des premiers concernés » est une pratique politisée qui prend sens, pour les militants, en opposition à ce qu’ils identifient comme l’appropriation ou de l’invisibilisation, par les groupes dominants, de la parole des groupes minorés dans l’espace public. On pose l’hypothèse que le langage est, pour ces militants, une ressource pour exprimer leur solidarité avec les étrangers sans-papiers. Cette pratique d’éthique langagière se manifeste à différents niveaux langagiers. Elle imprègne les interactions, les mises en discours, et les actes. On la conceptualise comme un registre (Agha 2007) en ce qu’il s’agit d’une norme interactionnelle pervasive qui se caractérise par sa multi-modalité. Nous illustrerons ses manifestations aux niveaux mimo-postural, pragmatique et interactionnel.