Connexe (Dec 2022)
« Écrire les camps » en Arménie soviétique : Barbelés en fleurs de Gourguen Mahari
Abstract
Gourguen Mahari (1903–1969) est l’un des écrivains les plus marquants de la littérature de l’Arménie soviétique. Dans sa jeunesse, il participa activement aux mouvements intellectuels de la capitale, brièvement présentés dans ce travail, avant de tomber en disgrâce, en 1936, et d’être déporté dans les camps du Goulag, d’où il ne put rentrer qu’après la mort de Staline. Cet article porte sur Barbelés en fleurs, une œuvre écrite en 1965 et issue des longues années passées par l’écrivain dans les camps. Censurée en Arménie soviétique, elle fut publiée pour la première fois en diaspora (Beyrouth et Paris), en 1971–1973, et seulement en 1988 en Arménie, dans le contexte de la perestroïka. Cet article analyse les plans narratifs de Barbelés en fleurs et les procédés d’écriture employés par Mahari en les comparant avec les choix d’écriture adoptés par d’autres écrivains, non arméniens, pour « écrire les camps ». Une lecture croisée avec une deuxième œuvre majeure de Mahari, Vergers en feu, sur l’autodéfense de la ville de Van en 1915, s’est révélée fondamentale. Dans les deux ouvrages, l’auteur fait recours au dialogisme et à la réfraction pour faire entendre une pluralité de voix et de perspectives. L’article rappelle aussi quelques aspects des interdictions qui ont frappé la littérature arméno-soviétique, non seulement au nom de l’idéologie du Parti, mais aussi du discours officiel arménien sur l’histoire de la libération des Arméniens de l’Empire ottoman. La censure arménienne ne pardonna pas à Mahari d’avoir montré le mouvement révolutionnaire arménien, dans Vergers en feu, sous l’angle de la déshéroïsation et de la désacralisation.
Keywords