M@GM@ (Jun 2006)

Quelques considérations sur la grippe aviaire

  • Michel Maffesoli

Journal volume & issue
Vol. 04, no. 02

Abstract

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Dans le totalitarisme doux étendant son voile sirupeux sur des masses inquiètes, l’on sait que les divers technocrates assoient leur pouvoir en entretenant la crainte. Ce qui n’est pas très compliqué, tant la peur de l’ombre, la peur de son ombre travaille tout un chacun. Si l’on doit caractériser l’époque, c’est bien le terme de lâcheté généralisée qui vient, immédiatement, à l’esprit. L’on sait que le virus de la grippe aviaire ne peut infecter l’homme que par contact direct et prolongé. Par exemple, boire l’eau d’un marais infecté de fiente d’oiseaux contaminés ou forniquer avec une poule atteinte de ce mal. De même, le danger de pandémie ne pourrait advenir que s’il y avait conjonction avec la grippe humaine. Ainsi, les virologues considèrent qu’il faudrait plusieurs centaines de personnes infectées par la grippe aviaire, dans un milieu lui-même en pleine épidémie de grippe humaine pour qu’il y ait un danger réel d’infection généralisée. Comme on le voit le risque est grand! Mais là n’est pas le problème. Il suffit, pour nos technocrates, que l’imaginaire de l’insécurité soit là. Ils y trouvent une raison d’être. Ils peuvent, savamment, jouer les utilités. On sait que de tous temps, c’est en misant sur une angoisse diffuse que les divers pouvoirs ont assis leur légitimité. En fait ce qui est à prendre au sérieux, ce sont les hystéries collectives. La chute spectaculaire de la consommation de volailles de toutes sortes en témoigne. Souvenons-nous aussi que n’est pas loin le temps où la même suspicion planait sur la viande bovine! Trêve de plaisanterie! Actualisons l’apologue. Ainsi l’émotion provoquée par le «double scandale» qui frapperait le C.N.R.S ne manque pas de susciter inquiétudes et interrogations. En terme d’épidémiologie bien entendu. Inquiétudes quant à la santé mentale du «milieu» sociologique capable de pétionner en mélangeant, sans sourciller, la poule et le bœuf, la parité et le problème d’une nomination considérée comme provocatrice. Interrogations quant à la simple moralité de ce «milieu».

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