Laboratoire Italien (Jul 2003)

L’immagine della folla in guerra : Calvino, Fenoglio, Primo Levi

  • Orsetta Innocenti

DOI
https://doi.org/10.4000/laboratoireitalien.335
Journal volume & issue
Vol. 4
pp. 11 – 128

Abstract

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Cet essai se propose d’étudier l’image de la foule en temps de guerre à certains moments clés essentiels de la littérature contemporaine. L’analyse se fonde sur la relation étroite entre la représentation de la foule et celle de la ville, telle qu’elle est perçue dans l’imaginaire littéraire à partir de la modernité. Le concept même de foule connaît dans le temps une profonde évolution, qui va de pair avec celle de l’image de la métropole. Ainsi, à la foule des individus qui traversent les grandes capitales du XIXe siècle, se substitue d’abord la masse des grands mouvements ouvriers puis, avec l’avènement de la grande guerre, la foule fantasmatique composée d’individus solitaires qui errent dans les espaces métropolitains rendus déserts par les nécessités de la guerre. La césure radicale provoquée par le premier conflit mondial se fait toujours plus profonde jusqu’à ce que la seconde guerre mondiale marque définitivement la fin des concepts traditionnels de foule et de métropole, préparant l’avènement de leur nouvelle représentation post-moderne. Dans ce contexte, l’expérience de trois auteurs italiens – Calvino, Fenoglio et Primo Levi, qui ont en commun leur double rôle d’écrivains et de témoins – s’avère particulièrement significative. Les cas de Calvino et de Fenoglio se révèlent assez semblables : pour tous deux, la guerre est d’abord la conclusion collective dénuée de sens de la propagande du régime et, dans un second temps, l’occasion de se racheter individuellement (à travers le choix de la résistance). Dans quelques œuvres (pour Calvino, le recueil de récits L’entrata in guerra et le roman de la résistance Il sentiero dei nidi di ragno et, pour Fenoglio, le roman Primavera di Bellezza en particulier), tous deux cherchent à comprendre les profondes transformations des comportements sociaux de la foule déterminées par les villes en guerre. Le cas exceptionnel de Primo Levi, témoin à Auschwitz des comportements de cette foule particulière que constituent les habitants du Lager, est différent mais encore plus significatif. Le camp de concentration peut ainsi être défini selon les propos de Marc Augé comme le premier vrai « non-lieu » de l’époque contemporaine, et l’analyse serrée du livre témoignage de Levi (Se questo è un uomo) met en lumière les processus de représentation d’une foule de « non-hommes » décrits avec une attitude manifeste de « narrateur anthropologue » (selon l’heureuse définition de Daniele del Giudice). Il s’agit d’une représentation paradoxale et inversée mais qui anticipe toutefois, à certains égards, certains traits caractéristiques de la métropole moderne, babélique et multi-ethnique, et de ses habitants.