Revue Internationale des Francophonies (May 2020)
Institutionnaliser la francophonie : une longue quête de sens enfin résolue par le gouvernement français ?
Abstract
Si la France est aujourd’hui un pilier incontestable – et incontournable - de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), cette vocation fut longue à se dessiner. L’État français a longtemps brillé par son refus puis ses réticences à l’encontre de la création d’une institution de coopération intergouvernementale à vocation politique qui serait fondée sur une langue en partage. Le propos vaut tout particulièrement pour le général de Gaulle qui, dans le cadre de sa politique d’indépendance nationale, entendait faire de la langue française un outil de la diplomatie culturelle de la France. En témoigne notamment son attitude lors de la création de la première organisation intergouvernementale de la francophonie : l’Agence de coopération culturelle et technique. Ses réserves ne se sont pas démenties au cours des décennies suivantes. Et tout au long de la création progressive de l’OIF, la France a systématiquement privilégié le secrétariat général et d’autres opérateurs, comme l’AUF et l’AIMF, à l’Agence internationale de la Francophonie ex-ACCT, montrant une constante défiance à son encontre. Cette attitude et sa constance à travers plusieurs décennies interpellent le chercheur qui travaille sur les processus d’institutionnalisation de la francophonie. La France étant au cœur de la francophonie, n’aurait-elle due pas naturellement être le principal moteur de sa construction institutionnelle ? Ses fortes réserves trouvent leur justification dans les conceptions et les moyens de la puissance française héritée du général de Gaulle. Elles peuvent également s’expliquer par le rapport singulier des dirigeants français à leur langue. Le contexte linguistique de l’Hexagone est celui d’une appropriation instinctive qui banalise le français et rend peu audible la notion de francophonie.