Almanack (Dec 2021)

LE MONUMENT AUX BANDEIRAS: UNE REPRÉSENTATION ENCOMBRANTE DU GÉNIE NATIONAL (DU CENTENAIRE AU BICENTENAIRE DE L’INDÉPENDANCE)

  • Armelle Enders

DOI
https://doi.org/10.1590/2236-463329ed00321
Journal volume & issue
no. 29

Abstract

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Résumé Le monument aux expéditions (bandeiras), « carte postale » de la ville de São Paulo, est une des rares représentations de la nation brésilienne sur une place publique. S’il a été longtemps un motif de fierté en tant qu’œuvre d’art due au sculpteur moderniste Victor Brecheret et aussi en raison de sa signification, le monument, comme les bandeiras et les bandeirantes auxquels il rend hommage, fait actuellement l’objet de contestations virulentes. Des protestataires dénoncent la glorification de leurs exactions et de leurs crimes principalement perpétrés contre les indigènes, à travers l’héroïsation des paulistas de la période coloniale. Cet article revient sur le message politique du monument et sur l’idéologie du bandeirismo, formulée au XXe siècle par l’aile droitière du modernisme pauliste et qui imprègne l’œuvre de Brecheret. Selon cette interprétation du Brésil, développée en particulier par Cassiano Ricardo, la «bandeira» est érigée à la fois en creuset de la société brésilienne et en essence du génie national. Elle remplace même l’Indépendance de 1822 comme moment fondateur du Brésil et offre un programme pour l’avenir : l’achèvement de la colonisation du territoire. Le bandeirismo échoue cependant à s’imposer comme récit dominant de l’histoire du Brésil et reste identifié au régionalisme pauliste. Paradoxalement, le fait que le monument aux expéditions soit devenu la cible des colères antiracistes et décoloniales lui redonne une portée beaucoup plus générale. La déconstruction du bandeirismo et son rejet en l’espace de deux décennies témoigne du caractère périssable et embarrassant de certaines propositions identitaires.

Keywords