Revue Française de Photogrammétrie et de Télédétection (Dec 2021)
Apports de la télédétection des puits pastoraux à la cartographie des eaux souterraines du Sahel
Abstract
Au Sahara et au Sahel, l’eau souterraine est une ressource limitée et précieuse. La vie quotidienne et le travail des éleveurs sont organisés en fonction de la localisation des points d'eau et de la profondeur de la nappe. Pour assurer le développement durable de ces régions, il est donc indispensable de construire des cartes piézométriques précises, y compris dans les zones les plus difficiles d’accès. Nous avons mis au point une méthode innovante pour dresser de telles cartes à partir de l’imagerie satellite en haute définition, afin de pouvoir compenser les lacunes de l’information hydrogéologique conventionnelle. L’artefact utilisé dans cette méthode est l’image des puits pastoraux. Les pasteurs abreuvent leur bétail grâce à des puits profonds. Pour tirer l’eau, ils attellent des ânes ou des chameaux qui tirent l’eau avec une corde dont la longueur est une mesure précise de la profondeur de la surface piézométrique. Lors de l’opération, les bêtes et les cordes laissent sur le sol des traces que l’on peut observer et mesurer sur les images satellites, pour autant que leur résolution soit suffisante. Nous avons mis au point une technique d’interprétation de ces images qui permet (a) de repérer les puits pastoraux (sur images Landsat ou SPOT), (b) d’isoler les traces laissées par les bêtes utilisées pour tirer l’eau (sur images SPOT ou WorldView) et (c) d’estimer la profondeur de l’eau à partir de ces traces (sur images Wordview). La méthode a été étalonnée soigneusement, par corrélation avec des mesures directes de la profondeur de l’eau dans les forages neufs. Après calibration, nous avons pu utiliser cette méthode pour dresser en quelques semaines la carte piézométrique de la dépression du Bornou au Nigeria (20 000 km2). Cette zone est difficilement accessible par d’autres moyens à cause de l’insécurité qui prévaut dans cette région du Sahel depuis 5 ans. Nous avons ensuite testé la même méthode sur d’autres aquifères dans les pays du Sahel (Mauritanie, Sénégal, Mali, Burkina, Niger, Tchad et Soudan). Elle s’y applique très bien également et il a ainsi été possible de cartographier en moins d’une année 1 million de km2 d’aquifère.
Keywords