Natures Sciences Sociétés (Jan 2019)
40 ans après l’Amoco Cadiz : science et militance
Abstract
La marée noire de l’Amoco Cadiz sur les côtes de Bretagne Nord en mars 1978 marque l’histoire à plusieurs titres. Elle suscite en particulier une mobilisation sans précédent de scientifiques en sciences naturelles. Alors que les marées noires précédentes ont donné lieu à des tentatives judiciaires portées uniquement par l’association bretonne de protection de l’environnement, cette fois, la dynamique scientifique et la mobilisation des acteurs locaux se rencontrent pour susciter et conduire une action judiciaire visant à faire reconnaître les dommages de la marée noire. Quelles étaient leurs motivations à participer à cette action ? Les entretiens menés auprès d’eux montrent qu’ils se sentent concernés par une pluralité d’atteintes et sont mus par des objectifs multiples, à la fois d’ordres moraux et intimes, en tant qu’habitants et scientifiques. Ils qualifient leur implication de militante et engagée et considèrent qu’il ne peut en être autrement. Pourtant, vingt ans plus tard, lorsque survient la marée noire de l’Erika, les scientifiques semblent cantonnés dans les programmes de suivi, au grand étonnement de leurs aînés. Ils recherchent une certaine étanchéité de leurs activités avec les cercles politique et judiciaire. Comment les chercheurs ont-ils pensé leur rôle ? Dans cette dynamique orientée vers un procès, comment ont-ils mis en œuvre leur rôle pour fabriquer l’information scientifique ? À partir d’entretiens auprès d’eux, ce texte analyse la pluralité des « attachements » imbriqués dans chaque situation de choix et d’épreuve : fondements politiques et moraux, intérêts et objectifs de réussite de l’action de changement, attachements intimes.
Keywords