Cahiers d’histoire. (Jan 2012)
Le « devoir de mémoire », fabrique du postcolonial ? Retour sur la genèse de la « loi Taubira »
Abstract
L’expression « devoir de mémoire » s’est imposée dans le discours politique français au cours des années 1990 à la faveur de l’écriture d’un « roman postnational » comportant deux nouveaux impératifs pour l’État : commémorer des morts à cause de la France (Vichy), et reconnaître officiellement une communauté mémorielle (la communauté juive) victime d’un génocide. La fin des années 1990 voit l’affirmation par des acteurs subalternes de demandes de reconnaissance et de réparations relatives cette fois au passé colonial de la France. Lors des commémorations du 150e anniversaire de l’abolition de l’esclavage en 1998, ces acteurs contestent le discours officiel des pouvoirs publics en revendiquant un récit alternatif fondé sur la notion de crime contre l’humanité. Face aux élites politiques hexagonales engagées dans l’adoption de « lois mémorielles », la formule « devoir de mémoire » a constitué alors un instrument de négociation pour les élites ultramarines devenues ainsi auteurs, par la voix de la députée Christiane Taubira, du « roman postnational » dans sa version postcoloniale.
Keywords