Tr@jectoires (Dec 2010)
Franz Baermann Steiner: Wegbereiter des Postkolonialismus
Abstract
L’article présente Franz Baermann Steiner, un auteur d’exil juif des années trente encore peu connu. Dans le postcolonial turn auquel nous assistons aujourd’hui, par exemple dans l’Exilforschung, ce poète anthropologue devrait occuper une position-clef. Issu du milieu des juifs pragois et sioniste culturel convaincu, Steiner développe dès les années quarante, au sein de la British Social Anthropology, un discours aux accents postcoloniaux qui peut s’expliquer par la combinaison de son expérience pragoise de juif assimilé et de son appartenance à l’école d’anthropologie d’Oxford. Il existe en effet une analogie structurelle entre les fonctionnaires « hybrides » dans l’Empire britannique et les juifs pragois qui s’explique, d’une part, par leur statut d’altérité et, d’autre part, par leur position interstitielle à l’intérieur de leurs sociétés respectives. Les écrits de Steiner, où la méthode comparative et la critique de la langue et du langage tiennent une place importante, dénoncent l’eurocentrisme et développent une théorie qui anticipe par certains côtés la pensée d’Aimé Césaire, son contemporain. Tous deux postulent un lien entre les actes de violence perpétrés dans les colonies pendant l’esclavagisme, et le sort tragique des juifs européens durant le « Troisième Reich ». En outre, dans ses écrits scientifiques sur la notion de tabou, Steiner met à nu la violence épistémique des catégories comparatives de l’anthropologie du XIXe siècle. Il retrace le processus qui aboutit à cette violence en s’appuyant sur les cas des tabous polynésien et juif, pour finalement libérer le concept de tabou de toute connotation primitive et en faire un comportement d’évitement face au danger, commun à tous les hommes. Ainsi, son profil hybride, sa critique culturelle et ses recherches dans le domaine anthropologique font de lui un précurseur important du postcolonialisme.
