Connexe (Dec 2022)
Deux voyages d’écrivains en Arménie au début des années 1960 : les regards de Vassili Grossman et de Simone de Beauvoir
Abstract
Vassili Grossman, auteur soviétique des romans Vie et destin et Tout passe, se rend en Arménie en novembre et décembre 1961 pour y retravailler la traduction en russe du roman de l’un des dirigeants de l’Union des écrivains arméniens, Hratchia Kotchar. Moins de deux ans plus tard, en septembre 1963, les intellectuels français Simone de Beauvoir et Jean-Paul Sartre, constamment entourés par les autorités locales, dont Hratchia Kotchar, passent deux ou trois jours dans cette république soviétique, à la toute fin d’un séjour de six semaines en URSS. Grossman et Beauvoir – mais pas Sartre – écriront des textes à la première personne du singulier sur leur séjour en Arménie, et, si ces textes sont de longueurs très différentes, ils ont le mérite de figer deux regards en partie complémentaires sur l’Arménie, sa société et son monde littéraire à une époque précise : celle du Dégel et de la déstalinisation. En outre, Grossman développe dans le sien une comparaison explicite entre Arméniens et Juifs, deux peuples victimes de massacres de masse au XXe siècle, et il poursuit ainsi sa réflexion sur les totalitarismes du siècle. Ces deux textes sont donc aussi révélateurs des perceptions et des attentes de leurs auteurs : un Soviétique, désormais très critique du stalinisme et du léninisme, marqué par les meurtres collectifs du XXe siècle et séduit par les gens simples d’Arménie, et une Française qui demeure fascinée par le communisme et les révolutions, et ne parle ni russe ni arménien.
Keywords