Cygne Noir (Jun 2017)
Écocritique, écosémiotique et représentation du monde en littérature
Abstract
Depuis son émergence au début des années 1990, un ardent débat prend place au sein de l’écocritique quant à la capacité de la littérature à référer au monde. D’une part, les tenants d’un néoréalisme se contentent d’envisager la représentation du monde selon les préceptes flous de la mimésis ; de l’autre, les défenseurs du poststructuralisme soutiennent que la disjonction entre nature et culture est irrémédiable. Une voie mitoyenne avancée par Lawrence Buell suscite l’adhésion depuis le milieu des années 2000, entre la reconnaissance des catégories culturellement construites, qui orientent notre rapport à l’environnement, et l’acceptation d’une certaine capacité de la littérature à référer au monde. Mais cette posture de compromis, qui mise sur un principe dialectique vague et indéterminé, ne permet pas de constituer un modèle théorique solide capable de conférer à l’écocritique une compétence particulière et distincte pour aborder la littérature. L’écocritique doit désormais engager un réel dialogue entre écologie et théorie littéraire pour dépasser les apories de ses modèles représentationnels. Cet article examine les solutions théoriques qu’offre l’écosémiotique à l’impasse actuelle en écocritique. En s’appuyant sur la conception du signe de Charles S. Peirce et la théorie de l’Umwelt de Jakob von Uexküll, l’écosémiotique met en valeur le rapport de continuité qui existe entre la culture et la nature. Il est suggéré de reprendre à l’écosémiotique ses bases théoriques pour fonder un modèle représentationnel continuiste en écocritique.