Revue Forestière Française (Dec 2018)

Est-il possible de tirer des enseignements des introductions anciennes d’agents pathogènes ? L’exemple de la graphiose de l’orme

  • Dominique Piou,
  • Fabienne Benest

DOI
https://doi.org/10.4267/2042/70312
Journal volume & issue
Vol. 70, no. 6

Abstract

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La graphiose ou maladie hollandaise de l’orme a été détectée il y a près de cent ans dans le nord-est de la France. Depuis, elle s’est largement répandue au point d’être considérée comme une des maladies les plus destructives jamais observée sur ligneux, aussi bien en Europe qu’en Amérique du nord. D’autres maladies se sont révélées tout aussi dévastatrices comme le chancre du châtaignier, la aussi en Europe et Amérique du nord, ou potentiellement tout aussi dommageables comme la chalarose du frêne en Europe. Il était des lors intéressant d’essayer de tirer quelques enseignements d’une des plus anciennes pandémies affectant une essence forestière. En réalité, ce sont deux pandémies successives de graphiose, attribuées a deux champignons distincts (Ophiostoma ulmi puis O. novo-ulmi) qui se sont développées en Europe. O. novo-ulmi, responsable depuis la fin des années 1960 de la pandémie la plus grave, a connu au cours de son extension des changements évolutifs rapides par hybridation et transfert horizontal de gènes avec d’autres espèces. L’agressivité de ce champignon ne semble pas avoir diminue depuis cinquante ans et le volume d’Orme sur pied dans les forets françaises a fortement régresse, mais semble se stabiliser depuis une dizaine d’années entre 2 et 4 millions de mètres cubes, avec une dominance de jeunes tiges, selon les données de l’Inventaire forestier national. La mortalité en foret semble également relativement faible, peut-être en liaison avec une chute des populations de son principal vecteur (Scolytus scolytus) qui est principalement inféodé aux arbres adultes. Malgré la diminution drastique des effectifs d’Orme, aucune étude n’a mis en évidence une diminution de la diversité génétique des populations champêtres en Europe. Par contre, l’introduction d’une espèce d’Orme asiatique résistante a la graphiose dans le sud de l’Europe a conduit après hybridation et introgression a des modifications irréversibles de la structure génétique des ormes autochtones. Dans cette zone, les actions de l’homme suite a la maladie pourraient avoir plus fortement modifie la structure génétique des populations d’Orme que la maladie elle-même. De même, les effets des deux pandémies successives sur la biodiversité associée aux ormes semblent relativement limites d’après la littérature. Ces résultats ne sont pas conformes a la vision alarmiste qui régnait au début des années 1980, laquelle avait entraine la mise en place d’un conservatoire de ressources génétiques d’Orme sous la forme d’un parc a clones et suscite l’espoir de sélectionner des ormes résistants. Aucun clone ne s’est montre fortement résistant a la graphiose mais certains, parmi les plus aptes a guérir, peuvent contribuer a la reconstitution de haies champêtres. Dans les années 1990, des unités de conservation in situ, pour des populations d’Orme lisse et d’Orme de montagne ont pu être installées dans le cadre d’un réseau coordonne au niveau européen.