Cygne Noir (Jun 2017)
Stockage des déchets nucléaires : la communication à travers les millénaires. L’hypothèse cléricale de Sebeok réinterprétée avec Latour et Lotman
Abstract
L’exploitation civile du potentiel énergétique issu de la fission de l’atome, depuis 1954, a généré des masses de déchets nucléaires souvent hautement radioactifs. Stockés à la surface de la Terre, ces déchets sont soumis aux aléas de l’histoire et exposés à d’éventuelles catastrophes naturelles impliquant un risque de diffusion à la fois des matières radioactives et de la radiotoxicité. La solution consensuelle pour leur gestion consiste, depuis trois décennies, à les enfouir en couche géologique profonde pour une durée indéterminée. Considérant que la période radioactive moyenne de ces déchets est d’environ 250 000 ans, cette solution implique de trouver un moyen de communiquer le danger que représentent ces sites d’enfouissement aux générations futures, dans un horizon temporel sans commune mesure dans, et même avec, l’histoire des civilisations humaines. L’hypothèse examinée ici est celle du « clergé atomique » proposée par le sémioticien Thomas A. Sebeok en 1984 dans Communication Measures to Bridge Ten Millennia. En prenant appui sur les travaux en sociologie des sciences de Bruno Latour et ceux sur la sémiosphère de Juri Lotman, une relecture de l’hypothèse cléricale est opérée. À travers cette réinterprétation, deux doctrines éthiques sont identifiées, qui axiomatisent le développement d’un éventuel dispositif sémiotique pour la communication dans la très longue durée associée au cas d’étude : une éthique de la responsabilité périnucléaire et une éthique de la conviction mythonucléaire.