Populations Vulnérables (Jun 2016)
Le VIH-SIDA en France métropolitaine : des générations inégalement touchées
Abstract
En France, la concentration générationnelle des cas de SIDA et des décès associés résulte avant tout de la combinaison entre plusieurs facteurs sans rapport direct avec des comportements de prévention de l’infection par le VIH spécifiques aux différentes générations. En effet, une grande part de cette concentration des cas de SIDA sur les personnes nées à la fin des années 1950, mais surtout nées au début des années 1960, traduit l’interaction entre :- la période au cours de laquelle l’infection par le VIH a commencé à se diffuser en France ;- la forte influence de l’âge sur les comportements d’exposition ;- et la conjoncture thérapeutique, via la généralisation, en 1996-1997, de la prescription, avant le stade SIDA, des multithérapies antirétrovirales qui permet très fréquemment aux personnes infectées par le VIH de retarder voire d’éviter le stade SIDA.Une analyse détaillée de l’évolution des taux par âge d’entrée dans le SIDA au fil des générations et avant cette prescription des multithérapies, soit avant 1995, montre toutefois une réduction de ces taux à partir des générations nées à la fin des années 1960. Cette réduction qui s’observe presque exclusivement pour les contaminations associées à un usage de drogues injectées, ne provient pas de cette triple interaction (période de diffusion*âges d’exposition*conjoncture thérapeutique) mais résulte d’une modification du contexte préventif à la fin des années 1980, avec la possibilité pour les usagers de drogues injectées de se procurer librement du matériel propre d’injection. Plus précisément, le constat des différences entre les générations en matière de taux d’entrée dans le SIDA associée à l’usage de drogues injectées peut s’expliquer selon trois hypothèses :- un phénomène structurellement sélectif, lié aux poids des évolutions rapides vers le SIDA dans les taux aux jeunes âges adultes, et donc indépendant des spécificités générationnelles de comportement préventif ;- une plus grande réactivité au contexte préventif des générations nées à partir de la fin des années 1960 ;- un phénomène de « boule de neige » générationnelle affectant les personnes nées au début des années 1960, les usagers de drogues injectées étant parmi elles déjà fréquemment infectés par le VIH avant les nouvelles dispositions d’accès au matériel d’injection propre.L’analyse de 2003 à 2010 des taux par génération de découverte de séropositivité au VIH associés à une contamination par usage de drogues injectées, montre que la 1ère hypothèse renvoyant à un simple phénomène structurellement sélectif ne saurait expliquer l’intégralité des différences observées. Étant donné l’âge atteint au début des années 2000 par les personnes nées au début des années 1960, les taux relativement élevés de découverte de séropositivité au VIH associés à un usage de drogues injectées de ces générations pourraient plaider en faveur d’un phénomène de « boule de neige » générationnelle.
Keywords