Revue Internationale des Francophonies (Jun 2021)
L’évolution de la gestion de l’islam par le droit français : entre adaptation et méfiance
Abstract
L’islam en France est incontestablement un sujet de société, très investi par la sphère politico-médiatique. Cette religion est celle de nombreux citoyens français en faisant la deuxième religion au national en termes de représentativité. Si son histoire peut remonter à l’époque coloniale, c’est surtout depuis l’implantation durable en France des travailleurs immigrés accompagnés de leurs familles que le droit positif français a évolué. Droits fondamentaux, liberté de religion, liberté d’association, organisation du culte, questions sécuritaires représentent autant les enjeux actuels qui font l’objet de ces évolutions ces dernières décennies. Toutefois, ces évolutions ne se déroulent pas sans remous mais dans un contexte de tensions sociales souvent palpables. Le Haut Conseil à l’intégration a même reconnu l’existence d’une « situation différente des religions dans l’accès au culte » qui pénaliserait le culte musulman. Il s’agit donc de questionner l’impact des tensions sociales existantes autour du fait religieux musulman, sur les évolutions du droit français de régulation de ce culte. Comment le régime juridique français tente-t-il de s’adapter au fait religieux musulman ? De quelle manière les tensions sociales se reflètent-elles au travers du régime juridique appliqué aux musulmans ? Il s’agira dans un premier temps d’aborder ces questions au prisme de l’histoire coloniale notamment afin de mettre en lumière des éléments de compréhension des tendances politico-juridiques adoptées ces dernières décennies. Force est de constater que le concept de « laïcité » ne fut pas une notion linéaire mais évolutive au fil des époques. En ce sens, la loi de 1905 de séparation des Églises et de l’État ne fut pas appliquée en Algérie française lors de son adoption en métropole, donnant lieu déjà à des conflits autour de la gestion publique du culte musulman. Par la suite, le droit positif s’est appliqué de la même manière pour tous les cultes présents sur le sol français ce qui a amené le culte musulman à bénéficier de la liberté de religion comme liberté fondamentale, au même titre que n’importe quel autre culte, donnant lieu notamment à la création de nombreuses associations ou encore d’écoles privées. Toutefois, on assiste ensuite au développement de la production normative plus particulièrement destinée à la gestion de l’islam donnant lieu à de nombreuses évolutions et mesures qui seront mises en exergue dans un second temps. Port du voile à l’école, organisation des services publics, ou encore interdiction de dissimulation du visage dans l’espace public sont autant de sujets qui ont fait l’objet de nouvelles mesures normatives requestionnant toujours plus les contours de la laïcité contemporaine.