Revue des Langues, Cultures et Sociétés (Jun 2019)

Pour une réhabilitation de la trahison en traduction

  • Nicolas FROELIGER

DOI
https://doi.org/10.48384/IMIST.PRSM/lcs-v5i1.15528
Journal volume & issue
Vol. 5, no. 1
pp. 44 – 56

Abstract

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RÉSUMÉ : Cet article entend finir de régler son compte à un concept dépassé mais encore très souvent invoqué en traductologie, et surtout en traduction : celui de la fidélité, et de son pendant négatif fréquemment invoqué : la trahison (traduttore traditore…). Faisant suite à une autre publication, plus théorique, il entend dégager des aspects positifs (mais pas toujours) de pratiques que l’on aurait, autrefois, qualifiées de traitresses par rapport à l'original et qui, pourtant, apparaîtront justifiés, voire nécessaires, à l’un au moins des intervenants. Ce qui suppose de raisonner en termes de communication. Que le sens en soit positif ou négatif, c'est donc toujours quelqu'un ou quelque chose que l'on trahit : un texte original, un auteur, une intention, les attentes d’un client, la vision du monde d’un destinataire, etc. Il s’agit de montrer qu'il existe, en traduction, une hiérarchie des valeurs et donc, occasionnellement, des causes plus importantes à défendre que celle du texte original, voire que l'intention de l'auteur. Cinq illustrations, qui peuvent occasionnellement se superposer, sont étudiées à l’appui de ces considérations : on peut soit améliorer l’original, le concurrencer, le contester, négocier avec la censure sociale, ou enfin chercher à surmonter l'autocensure. Avec à chaque fois des paramètres éthiques et déontologiques, qu’il s’agit de distinguer. Au final, sous l’accusation de trahison, ce qui perce, c’est en fait le statut du traducteur en tant qu’agent conscient et autonome, et donc de la traduction en tant qu’outil d’articulation entre les langues, les cultures et les groupes. Mots clefs : traduction, traductologie, trahison, fidélité, sociologie de la traduction ABSTRACT: As a sequel to a more theoretically oriented publication, this paper intends to finally dispose of a notion that is outdated, but still often heard in translation studies, and even more so in translation proper: that of faithfulness, and of its dark twin, treason (traduttore traditore…). Its intent is to unveil occasionally positive aspects in practices that would, in the past, have been considered as blatant betrayals of the source text, and that nonetheless will be deemed justified, or downright necessary to at least one of the agents in the communication chain. Indeed, whether one considers betrayal in a negative or positive way, it is always someone or something that one betrays: an original, an author, an intention, some client’s expectations, the worldview of readers… This all goes to highlight the existence of a hierarchy of values in translation, and thus causes that will appear more important than that of the original, or even of the original writer’s intentions. We will illustrate this through five cases: the translator may happen to improve on the original, to compete with it, to put it into question, to negotiate with social censorship or to attempt to overcome self-censorship. In every case, there will be discrepancies between the dictates of professional, and of personal ethics. At the end of the day, reflecting on the accusation of betrayal sheds light on the role of the translator as a conscious and autonomous agent — and therefore that of translation as a link between languages, cultures, groups… with a degree of freedom. Keywords: translation, translation studies, betrayal, faithfulness, sociology of translation

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