Revue LISA (Mar 2009)
Le Darwin de Hopkins: déchiffrage contextuel
Abstract
Gérard Manley Hopkins était bien placé pour apprécier la controverse qui sévissait parmi les scientifiques, les ecclésiastiques et les laïcs autour du darwinisme et de l’évolutionnisme en général. Naturaliste à la manière victorienne, exercé aux catégories philosophiques classiques du programme d’Oxford, formé en théologie jésuite, poète de la nature et de Dieu, il semblerait en effet avoir les qualités requises d’un «témoin-clé de l’âge de Darwin». Pourtant il fait rarement mention de ce dernier ou de la lutte historique qui faisait rage entre la foi et la science, lutte ravivée par la parution de L’Origine des espèces. Et lorsqu’il y fait allusion, ses remarques sont sereines, malgré la forte tradition au XIXe siècle, de biblicisme littéral des Églises protestante et catholique. D’ailleurs, l’Église catholique ne mit à l’Index aucun ouvrage de Darwin et ne s’engagea sur aucune politique ou enseignement à propos de l’évolution des espèces avant 1893, date de l’encyclique Providentissimus Deus, encyclique assez équivoque au demeurant. En effet, l’exégèse catholique puisait à l’autorité des Pères et Docteurs de l’Église dont les enseignements étaient dans certains cas plus radicaux que la théorie de Darwin. En 1998, l’ouverture aux chercheurs des archives du Vatican se rapportant à cette question a dévoilé et l’absence d’une doctrine de l’Église catholique et une incohérence disciplinaire qui semblèrent laisser aux croyants une certaine latitude à propos du darwinisme.