SHS Web of Conferences (Jan 2016)

Les relatives en dont du français : études empiriques

  • Abeillé Anne,
  • Hemforth Barbara,
  • Winckel Elodie

DOI
https://doi.org/10.1051/shsconf/20162714011
Journal volume & issue
Vol. 27
p. 14011

Abstract

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Les relatives en dont ont fait l’objet de plusieurs études théoriques (Godard 1988) mais ont moins été étudiées d’un point de vue empirique (Gapany 2004). C. Blanche-Benveniste (1995) notait leur rareté dans des corpus oraux, où ils sont principalement compléments de certains verbes. Notre objectif est d’observer le comportement des relatives en dont en français d’un point de vue empirique. Pour ce faire, nous avons en premier lieu étudié les relatives dans deux corpus, le French Treebank (corpus écrit) et le Corpus de Français Parlé Parisien des années 2000 (corpus oral). Ces études nous ont permis de confirmer en partie les travaux de C. Blanche-Benveniste (1995) : l’usage de dont en français écrit diffère effectivement de son usage en français oral, mais dont est loin d’être réservé à l’oral à quelques expressions figées. Nous avons pu aussi confirmer l’étude de Godard (1980) : les dont complément de nom (extractions hors de SN) ne sont pas marginaux, et les plus frequents sont ceux où le nom est sujet, ce qui considéré comme agrammatical par certaines théories linguistiques comme agrammaticales. De ce point de vue, les corpus nous ont permis de vérifier que les extractions hors du SN sujet ne posent pas de problèmes en français. Leur usage est même plutôt répandu, et inclut les extractions hors de « vrais sujets » de verbes transitifs, contrairement aux prédictions des hypothèses de la grammaire générative. En grammaire générative en effet, les relatives comme les autres structures à extraction sont soumises à des contraintes d’îles (Ross 1957). Selon la contrainte de l’îlot nominal, il est plus difficile d’extraire un complément de nom qu’un complément de verbe. La contrainte de l’îlot sujet exclut quant à elle l’extraction du complément du sujet, qui n’est possible que lorsque le sujet est derivé (passif, moyen…) ou argument interne (Chomsky 2008). Or, nous constatons que les extractions hors de SN sujet sont plus fréquentes dans les corpus que les extractions hors de SN objet (en ce qui concerne les relatives en dont). Ce même fait est un argument en faveur de la théorie de la localité de Gibson, qui prévoit que l’extraction hors de SN sujet est non seulement bien formée mais moins coûteuse que celle hors de SN objet. D’autres observations sur les relatives en dont des deux corpus semblent corroborer cette théorie, comme par exemple la plus grande fréquence des sujets pronominaux ou inversés dans les relatives en dont dans lesquelles dont correspond à un complément du verbe. Dans un deuxième temps, nous avons mené une étude expérimentale de jugement d’acceptabilité afin de comparer les jugements de locuteurs natifs face à des relatives en dont correspondant à une extraction hors du SN sujet d’une part et à une extraction hors de SN objet d’autre part (la forme du sujet dans ces dernières, qui joue un rôle dans la théorie de la localité de Gibson, a été testée également). Les résultats de cette expérience sont eux aussi en accord avec les prévisions de la théorie de la localité de Gibson, les jugements étant significativement supérieurs pour les extractions hors de SN sujet par rapport aux extractions hors de SN objet.