La féminisation des ports à l’arrêt ? Les pratiques des employeurs et leurs conséquences dans deux ports nord-européens
Abstract
En 2022, les ports européens sont encore des espaces genrés au masculin, tant dans la composition de la main-d’œuvre que dans les représentations sociales. La féminisation des ports est à l’arrêt, en dépit des discours en faveur des opportunités professionnelles pour les femmes. Partant d’une recherche menée dans les ports nord-européens du Havre (France) et de Felixstowe (Royaume-Uni), cet article analyse la faible féminisation des ports à partir des pratiques concrètes des employeurs portuaires publics et privés. Les employeurs portuaires cherchent à réduire leur main-d’œuvre : ils ont donc intérêt à ce que les femmes restent en petit nombre. La première partie propose une revue de littérature sur le concept de féminisation du travail : jusqu’à présent la féminisation a été travaillée à l’échelle de quelques professions emblématiques, plutôt qu’à l’échelle d’un système de professions. La deuxième partie montre que les employeurs portuaires produisent des statistiques sur l’emploi qui évacuent la variable genre : les travailleuses sont invisibilisées et leur faible nombre n’est pas considéré comme problématique. La troisième partie s’intéresse à la division du travail portuaire selon le genre : en l’absence de politique à destination des femmes, ce sont les stéréotypes et les résistances opposées par les travailleurs qui organisent cette division du travail. Les femmes sont cantonnées à un nombre limité de postes (métiers périphériques à l’activité portuaire) et aux faibles responsabilités. La dernière partie montre que la dégradation des conditions salariales pénalise les femmes entrées récemment dans les professions les plus masculines des ports.
Keywords