Al-Qantara : Revista de Estudios Arabes (Dec 2018)

Parlers arabes nomades et sédentaires et diglossie chez Ibn Ǧinnī (IVe/Xe siècle). Sociolinguistique et histoire de la langue vs discours épilinguistique

  • Pierre Larcher

DOI
https://doi.org/10.3989/alqantara.2018.012
Journal volume & issue
Vol. 39, no. 2
pp. 359 – 389

Abstract

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[fr] Dans les Ḫaṣā’iṣ, Ibn Ǧinnī (m. 392/1002) fait état, incidemment, d’une différenciation entre parlers arabes nomades et sédentaires, ces derniers étant caractérisés par une perte partielle de la flexion désinentielle (’i‘rāb). Dans la mesure où Ibn Ǧinnī se réfère sur ce point à une source antérieure de près de deux siècles d’une part, indique qu’il n’y a presque plus, à son époque, de bédouin au parler « châtié » (faṣīḥ, c’est-à-dire fléchi mu‘rab) d’autre part, on peut voir dans ses remarques une reconnaissance implicite d’une situation de diglossie, les parlers nomades étant à l’origine de la variété haute (al-luġa al-‘arabiyya al-faṣīḥa). Cette situation est d’ailleurs révélée par une anecdote, où l’on voit un même usager, d’origine bédouine, alterner ce qu’Ibn Ǧinnī appelle « les deux manières de parler » (ǧihatā al-kalām), avec et sans flexion désinentielle. Malgré les apparences, il ne s’agit pas de sociolinguistique et d’histoire de la langue. Il s’agit de théorie du langage, avec l’hypothèse d’un phénomène d’entropie, liée à l’utilisation de la langue, l’utilisateur se passant, par d’autres moyens, de la flexion désinentielle, source de difficulté et d’erreurs. Il s’agit aussi et surtout d’un discours épilinguistique, conforme à l’idéologie linguistique (thèse de la faṣāḥa bédouine) et à la théologie (thèse de la « langue du Ḥiǧāz » comme al-luġa alfuṣḥā), deux thèses difficilement conciliables.

Keywords