Les Cahiers de Framespa ()

El santo, el trabajo y el amo, en tres obras de Lope sobre san Isidro

  • Françoise Cazal

DOI
https://doi.org/10.4000/framespa.410
Journal volume & issue
Vol. 1

Abstract

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Lope de Vega a écrit trois pièces de théâtre hagiographiques sur saint Isidro, Patron de Madrid. Deux furent écrites et jouées à Madrid, en 1622, à l’occasion de la canonisation du saint. Ce sont La Niñez de san Isidro (L’enfance de saint Isidro’), et La juventud de san Isidro (La jeunesse de saint Isidro’). Elles comportent chacune deux actes et fonctionnent en diptyque, se répartissant les épisodes sucessifs de la vie du saint. L’autre pièce, plus ancienne (1617), est une pièce en trois actes, qui condense à elle seule l’ensemble de la légende hagiographique : San Isidro Labrador (Saint Isidro laboureur).La mention de la profession d’un saint dans un titre de comedia est relativement rare, et au-delà de la volonté de différencier le personnage d’Isidro Laboureur du célèbre saint Isidore de Séville, cette précision attire l’attention de façon significative sur l’importance de la profession d’Isidro dans la construction dramatique de la pièce. La légende hagiographique de saint Isidro laboureur comprend, en effet, une série de miracles en étroite relation avec l’activité de laboureur du personnage, non pas pour décrire les vertus du saint dans l’exercice de son travail, mais pour mettre en scène de façon insistante le conflit entre le laboureur Isidro et son maître, le seigneur féodal Iván de Vargas qui, induit en erreur par les médisances que distille un personnage allégorique de nature diabolique, l’Envie, se persuade que le laboureur Isidro néglige outrageusement les tâches auxquelles son statut le contraint et met, par conséquent, en péril les intérêts financiers de son maître. Dieu intervient alors de façon répétée pour sauver la réputation de son protégé Isidro, dont la dévotion parfaite vaut toutes les vertus face au travail. Parmi les miracles de la légende, le plus connu est celui où deux anges sont mandatés pour remplacer Isidro aux labours pendant que celui-ci est absorbé dans une contemplation mystique que son maître Iván de Vargas pourrait lui reprocher, la confondant avec un manque d’ardeur au travail. Le personnage du maître, dans les deux pièces qui mettent en scène Isidro adulte (d’une part La juventud de san Isidro, d’autre part, San Isidro Labrador) revêt, sous la plume de Lope, le double rôle, très contrasté, de persécuteur injuste, combiné avec celui de témoin privilégié des miracles que Dieu réalise en faveur de l’humble Isidro. La comparaison de ces deux pièces qui utilisent globalement le même matériau hagiographique, mais en mettant l’accent chaque fois sur des épisodes distincts, permet de montrer d’intéressantes variations dans le traitement du conflit social’ reflété par la légende, la pièce isolée (_ San Isidro labrador _) mettant en scène de façon beaucoup plus crue que ne le fait le diptyque l’affrontement entre le saint laboureur et son maître. Dans l’ensemble de ces trois pièces, le terrain sur lequel se situent ces épisodes légendaires a conduit le dramaturge à définir clairement sur scène la tâche qui est celle du laboureur et la position dans l’échelle sociale qui en découle, ainsi qu’à poser, à travers ces épisodes, la question de la valeur comparée de la contemplation et de l’action. Il peut sembler étonnant que soit incluse dans la présente étude la première pièce du diptyque (La niñez de san Isidro), étant donné l’âge du protagoniste peu en accord avec le monde du travail. On verra pourtant que c’est dès la mise en théâtre de l’enfance d’Isidro que Lope pose les paramètres sociaux qui régiront la vie de travailleur adulte de son personnage. Le dramaturge dessine même, dans les relations d’Isidro avec ses petits camarades de jeu (parmi lesquels se trouve son futur maître) le rapport à l’oraison et au travail qui sera le sien dans la suite de l’histoire, le portrait d’Isidro enfant étant, en quelque sorte, un portrait anticipé du saint tel que la légende le dépeint à l’âge adulte.On montre ici comment, par un savant maniement, dans les dialogues, des relations interpersonnelles et de l’interlocution, Lope de Vega réussit à éviter les deux écueils principaux qui le guettaient dans cette dramatisation : le risque de froisser les aristocrates de son public en donnant un rôle trop négatif à Iván de Vargas, et le risque de faire perdre à la figure du saint son indispensable humilité, dans le conflit social qui l’oppose à son maître.