Anuario de Letras Modernas (Nov 2022)

What magic can perform: théâtralité et performativité dans Doctor Faustus de Christopher Marlowe

  • Daniel Rudy Hiller

DOI
https://doi.org/10.22201/ffyl.26833352e.2022.25.2.1833
Journal volume & issue
Vol. 25, no. 2

Abstract

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Dans un contexte dominé par l’iconoclasme de l’anglicanisme anglais et par la “ textualisation ” de la culture religieuse, Christopher Marlowe transforme sa pièce Doctor Faustus (1589), mise en scène dans les théâtres de la banlieue londonienne, en une réflexion sur les capacités performatives et “ incarnationnelles ” du théâtre. Cet article étudie comment l’inflexion métaphorique du langage théologique que les autorités ecclésiastiques avaient utilisé pour dénoncer les effets pervers de la représentation théâtrale permet au dramaturge anglais de formuler une conception de l’art littéraire comme création d’un monde et non plus comme imitation de la nature. Ainsi, Marlowe requalifie en termes théâtraux le concept de performativité : alors que, dans le théâtre du monde, la performativité de la prédestination divine vouait les croyants à une situation de détresse existentielle, la performativité artistique redonnait aux spectateurs la possibilité de créer leur propre monde, le monde du théâtre. C’est pourquoi le remaniement esthétique du lexique et de l’imaginaire théologique s’avère la réponse la plus profonde de Marlowe à la crise de “ l’absolutisme théologique ” : il fait du théâtre un espace de jeu où le traumatisme provoqué par cette crise pouvait être travaillé et éventuellement dépassée par sa resignification dramatique. C’est dire que, dans la version marlowienne du mythe faustien, l’autoaffirmation humaine se réalise surtout à travers le pouvoir cathartique de l’illusion théâtrale.

Keywords