Revue Internationale des Francophonies (Dec 2020)

La laïcité dans les Constitutions de l'Afrique de succession coloniale française

  • André Cabanis

DOI
https://doi.org/10.35562/rif.1193
Journal volume & issue
no. 8

Abstract

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Si les Constitutions des pays du Maghreb ne mentionnent pas la laïcité mais se contentent d’affirmer la liberté d’opinion, en revanche les lois fondamentales de l’Afrique subsaharienne mentionnent toutes cette notion, quoiqu’avec des significations diverses dans la mesure où il n’est pas question d’instaurer une séparation stricte des religions et de l’État comme avec la laïcité à la française. Les communautés religieuses se voient reconnaître une autonomie et même une place officielle, y compris en matière d’enseignement. La référence à Dieu est fréquente, notamment dans le serment prêté par le président. Pour autant, il existe une crainte de l’irruption du religieux, sous sa forme extrémiste, dans le débat politique. L’interdiction des partis liés à une confession témoigne de cette méfiance. Il est hautement affirmé que l’appartenance religieuse ne doit pas entraîner de discriminations. C’est sur ce dernier aspect que se focalisent nombre de recours que les citoyens adressent aux juridictions constitutionnelles en invoquant la loi fondamentale. S’y ajoutent des plaintes liées aux obstacles à certaines manifestations cultuelles, du fait de problèmes de maintien de l’ordre. Si les arrêts des Cours et Conseils constitutionnels sont encore peu nombreux, sauf au Bénin, ils témoignent cependant d’une affirmation progressive de la justice constitutionnelle et de son utilisation par les citoyens de base. Finalement, c’est une laïcité libérée des définitions en honneur dans l’ancienne métropole et adaptée aux caractéristiques du pays que proclame chaque Constitution mais les nations y demeurent attachées comme en témoigne le fait qu’elle figure parmi les principes dont il est officiellement exclu qu’ils puissent faire l’objet d’une révision. Pour autant, il ne faut pas se faire d’illusion sur le fait que la pérennité du principe de laïcité soit assurée en Afrique francophone : les barrières constitutionnelles ne sont pas insurmontables soit que le changement de régime se fasse de façon violente, soit que l’on fasse disparaître l’article bloqueur avant de renoncer à ce qu’il imposait et même si certains discutent de la régularité de cette procédure, même s’il s’agit du texte se situant au niveau le plus élevé de l’ordre juridique interne. La présence de la laïcité dans les Constitutions africaines témoigne du moins de l’intérêt pour cette notion même si tout le monde ne lui donne pas la même signification. De nos jours encore, c’est un thème de polémiques, ce qui prouve la jeunesse et l’adaptabilité du concept.