Anastasis: Research in Medieval Culture and Art (May 2022)

1392 Ars nova poetica. La voix d’Eustache Deschamps / 1392 Ars nova poetica. The voice of Eustache Deschamps

  • Jacques-Kees Noble-Kooijman

DOI
https://doi.org/10.35218/armca.2022.1.04
Journal volume & issue
Vol. 9, no. 1
pp. 75 – 94

Abstract

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Fait « au commandement d'un [sien] tresgrant et especial seigneur et maistre » l'Art de dictier et de faire chançons, balades, virelays et rondeaux est présenté le 25 novembre 1392 par Deschamps ce qui fait de lui le premier auteur d'un art poétique en français. Ce traité, méconnu jusqu'à l'aube du XXème siècle est à considérer comme la pierre milliaire du lyrisme moderne. En situant la poésie avec la musique dans les arts du quadrivium Deschamps en parle comme d'une « musique naturelle » dont les moyens sont la musicalité des « paroles métrifiées » qu'un poète sent, dit-il, de façon innée et qui rend sensibles les pensées, les sentiments, les sujets dont il traite, s'adressant à des auditeurs et des lecteurs qui ont aussi ce sens de la musique naturelle du langage poétique dont les moyens d'expression, sons et rythmes, sont ordonnés par le poète. Bien que Deschamps honore la dignité et les pouvoirs de séduction des compositions harmonieuses de la musique « artificielle » (artistique) définie comme Ars nova, depuis 1320, par Philippe de Vitry, puis par Machaut, il présente la poésie elle aussi comme une musique « naturelle », qui doit sa musicalité au langage poétique. Il ouvre ainsi une voie lyrique à celle qui était jusqu'alors dans la dépendance de la Rhétorique. Il annonce de ce fait avant les enthousiasmes de la Pléiade la délectation de la voix lyrique telle qu'un Valéry a pu la définir cinq siècles plus tard. Made "at the command of a [his] gracious and special lord and master" the Art de dictier et de faire chançons, balades, virelays and rondeaux is presented on November 25 1392 by Deschamps which makes him the first author of a poetic art in French. This treaty, unrecognized until the dawn of the twentieth century is now like the milestone of modern lyricism. By situating poetry with music in the arts of the quadrivium Deschamps speaks of it as a " natural music" whose means are musicality of "metrified words" that a poet feels, he says, in an innate way and which makes sensitive the thoughts, feelings, topics it deals with, addressed to listeners and readers who also have this sense of the natural music of poetic language whose means expression, sounds and rhythms are ordered by the poet. Although Deschamps honors the dignity and powers of seduction of his harmonious compositions of the "artificial" (artistic)music, newly defined as Ars Nova since 1320 by Philippe de Vitry and later Machaut, he presents also poetry as a "natural" music whose musicality depends from its poetic language. He thus opens a lyrical way to that which was until then dependent on Rhetoric. He thus announces long before the enthusiasms of the Pléiade the delight of the lyrical voice such as Valéry defines it five centuries later.

Keywords